Les motards en deuil du km/h
Ce sont des motards en colère, mais aussi en deuil, que nous en avons rencontré hier après-midi, place de Liberté à Toulon. En deuil devant le cercueil noir cerclé de blanc et rouge du panneau 90 km/h et en train de remplir leur livre de condoléances, qu’ils s’apprêtaient à aller déposer en préfecture, avec l’encombrante boîte en bois (1). Alors pourquoi cette mesure – qui entre en vigueur dès aujourd’hui, pour essayer de réduire le nombre de morts sur les routes – ne satisfait pas ceux qui sont considérés parmi les plus vulnérables ? Réponse de Sébastien Roig, coordinateur de la Fédération française des motards en colère 83, qui s’est prêté au jeu du « tout faux ».
● « On nous annonce que rouler à 80 km/h réduit la force de l’impact par deux en cas d’accident », rapporte Sébastien Roig. «Faux» , réplique-t-il. « C’est
mathématiquement impossible. Et que vous preniez une voiture de front à 80 ou 90 km/h, je ne donne pas cher de votre peau ».
On gagnera en sérénité au volant. Faux
, selon lui.« Tout le monde va rouler à la même vitesse, avec les camions déjà à 80 km/h. Motards et automobilistes vont se retrouver dans des positions très dangereuses, avec la possibilité d’être pris en sandwich entre deux camions ». Et pour dépasser un camion ? « Cela va donner lieu à des dépassements plus dangereux, car ils seront plus longs », estime-t-il. On imagine les joutes de vitesse avec les poids lourds, qui eux ne verront pas leur vitesse maximale réduite de 10km/h... « On n’ose pas toucher leur vitesse, chauffeur routier est un lobby. Cela se comprend aussi. Les chauffeurs sont pris par le temps. Moi-même, qui fais 70000 km/an, dont un certain nombre sur ces routes, je perds trois semaines avec la réduction ». En roulant moins vite, on devrait commettre
moins d’infractions.
Faux, encore pour les motards. « On va se faire piéger par les radars en essayant de se dégager d’une situation à risque (comme ci-avant, Ndlr) ». La FFMC 83 dénonce d’ailleurs «la privatisation des radars mobiles embarqués dans des voitures de sociétés privées (un dispositif testé actuellement en Normandie, Ndlr) payées pour tourner 8 heures par jour ».
On l’aura compris, les motards en colère regrettent que le 90 km/h soit tombé « au profit de la sécurité “rentière”» et demandent plutôt
« une meilleure formation des usagers, plus d’humains au bord des routes pour plus de prévention au lieu d’une répression constante ». Des arguments qu’ils espèrent pouvoir aller porter en préfecture (après le cercueil), où ils vont demander une audience. À l’inverse, le gouvernement pourrait leur opposer les siens : le fait que « cette portion du réseau est celle sur laquelle les accidents mortels
sont les plus fréquents», le peu de différence dans le temps de trajet ; le fait qu’en freinant à 80 km/h, on peut éviter un obstacle situé à 57 mètres, et pas à 90 km/h. Une vérité en voiture. Mais à moto ? À chacun son vrai/faux.