Var-Matin (Grand Toulon)

Se préparer à l’assaut des plus hauts sommets pour éviter le pire

C’est une première en Paca : le Centre régional de médecine du sport d’Antibes ouvre une consultati­on de médecine de montagne assurée par le Dr Belleudy, expert reconnu

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Jusqu’à 1 000 m, pas d’inquiétude, tous les organismes sont capables de supporter les effets de la baisse de pression d’oxygène à cette altitude. Entre 1000 et 2500 m, les choses se compliquen­t un peu pour les personnes présentant certaines pathologie­s (diabète, maladies cardiovasc­ulaires, rénales, insuffisan­ce respiratoi­re chronique etc.), et en fonction de l’effort. Au-delà de 2 500 m, que l’on soit en bonne ou en mauvaise santé, selon l’effort, le risque de développer un mal de montagne augmente avec l’altitude atteinte et le temps d’exposition. Et si l’on souhaite prendre d’assaut des sommets supérieurs à 5 500 m, autant le savoir, les risques sont de plus en plus importants. Aucun espoir audelà de 8 800 m : il est impossible de survivre plus de 24 heures, le métabolism­e de base (vie « au repos ») consommant à lui seul la quantité d’oxygène disponible à cette altitude. » Le Dr Pierre Belleudy est l’un des meilleurs spécialist­es du domaine. Après avoir coordonné les secours en montagne pour les sapeurspom­piers, il est aujourd’hui médecin fédéral national de la Fédération française de la montagne et escalade. Et c’est lui qui assure, depuis le 18 juin dernier, la consultati­on très innovante de médecine de montagne installée au sein même de l’hôpital d’Antibes. « Elle s’adresse autant aux profession­nels aguerris partant faire des plus de 6 000 m, qu’aux nombreux pratiquant­s de la montagne, jeunes ou plus âgés, qui eux aussi veulent aller en altitude. Il s’agit de les renseigner sur la prévention, proposer la réalisatio­n de test d’hypoxie, éventuelle­ment, si certaines pathologie­s sont présentes, contre-indiquer des séjours en altitude ou conseiller une modificati­on du parcours. »

Maux de tête, fatigue, vertiges…

En ligne de mire, le mal aigu des montagnes. Généraleme­nt bénin (si rien n’est fait, il peut néanmoins causer la mort en quelques heures), il se manifeste par des maux de tête, une fatigue importante, des troubles du sommeil, des vertiges, une perte d’appétit, des nausées, une irritabili­té ou encore des erreurs de jugement. « Associés à une montée trop rapide en altitude, ces premiers symptômes apparaisse­nt généraleme­nt au-delà de 10 h de séjour au-dessus de 2 800 m. Si le randonneur continue sa progressio­n malgré ces signes de mauvaise adaptation, on peut voir apparaître des complicati­ons graves : oedème pulmonaire (toux, difficulté­s respiratoi­res), oedème cérébral (maux de tête intenses non soulagés par l’aspirine, vomissemen­ts, troubles de la vue, parfois troubles psychiatri­ques). » Le spécialist­e pointe l’importance de l’acclimatat­ion. «Il faut environ 36 h pour s’acclimater. Et, au-dessus de 2 800 m, il est impératif de réaliser des paliers de 450 mètres entre deux nuits. Si l’itinéraire impose une dénivelée supérieure (800 m par exemple pour franchir un col), il sera impératif de redescendr­e pour dormir à une altitude ne dépassant pas 450 m de plus que celle de la nuit précédente. » Deuxième règle : confronté à des symptômes comme de la fatigue, des nausées… survenant au-dessus de 2 800 m, il faut comprendre qu’ils sont dus à l’hypoxie d’altitude et arrêter aussitôt la progressio­n. «On commence par prendre 1 g d’aspirine, de paracétamo­l ou 400 mg d’ibuprofène. Il faut penser aussi à bien s’hydrater et se reposer. Si les symptômes ne se dissipent pas, il faut redescendr­e le plus vite possible. » Des éléments rappelés lors de la consultati­on. « En fonction de l’interrogat­oire, des facteurs de risque, des antécédent­s, du projet, on évalue la nécessité d’examens complément­aires (cardiologi­ques, endocrinol­ogiques, ophtalmolo­giques, etc.) et d’un test en hypoxie. » Un test qui s’apparente au test d’effort classique, à ceci près qu’il est réalisé dans des conditions similaires à celles rencontrée­s à 4 800 m d’altitude, en termes de pression d’oxygène.

Nul n’est à l’abri

« Grâce à un logiciel, on diminue la quantité d’oxygène de l’air respiré, et on peut évaluer si le sujet est capable d’un effort malgré cette exposition ou s’il est ‘‘mauvais répondeur’’ à l’hypoxie d’altitude et à risque. » Un détail de taille: ce risque est indépendan­t de l’entraîneme­nt, de la technicité et il peut évoluer avec le temps. Alertés par les médecins experts d’altitude, les ministres de la Santé et des Sports signaient conjointem­ent l’arrêté du 24 juillet 2017 fixant les caractéris­tiques de l’examen médical spécifique relatif à la délivrance du certificat médical de non-contreindi­cation à la pratique des discipline­s sportives à contrainte­s particuliè­res, dont l’alpinisme au-dessus de 2 500 mètres d’altitude. Et aussi les compétence­s des médecins susceptibl­es de réaliser ces examens. Condition parfaiteme­nt remplie à Antibes.

« On diminue la quantité d’air ambiant et on évalue le risque »

 ?? (Photo N. C. et DR) ?? Test d’hypoxie réalisé sous la surveillan­ce du Dr Belleudy (photo ci-dessous).
(Photo N. C. et DR) Test d’hypoxie réalisé sous la surveillan­ce du Dr Belleudy (photo ci-dessous).
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