Var-Matin (Grand Toulon)

Barguil : « Si je marche je vais attaquer »

Warren Barguil, double vainqueur d’étapes et maillot à pois, a fait chavirer la France l’été dernier. Avec Amaël Moinard, son équipier, ils vont tenter d’en faire de même à partir de samedi

- PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN LARONCHE

En juillet dernier, son visage était partout. Double vainqueur d’étapes, dont celle tant convoitée de l’Izoard, et maillot à pois sur les épaules Warren Barguil avait été la grande star de la e édition du Tour. Tout le monde se l’arrachait. Son emploi du temps ne lui appartenai­t plus. Depuis, le grimpeur a changé d’équipe, décidé de défendre les couleurs bretonnes chez Fortuneo et s’est entouré de coureurs de confiance. L’Azuréen Amaël Moinard a été le premier homme qu’il a voulu intégrer à son projet. Nous avons retrouvé les deux hommes dans la quiétude d’Isola , où ils ont enchaîné les cols juste avant de prendre la route des championna­ts de France. Des derniers moments de calme, avant le grand tourbillon du Tour qui commence samedi.

Comment vous sentezvous physiqueme­nt, psychologi­quement à quelques jours du départ du Tour ?

W.B. Je suis aérien et j’écrase les pédales (rires). Non, j’ai et on a connu pas mal de déboires en début de saison. Il a fallu un temps d’adaptation parce qu’on arrivait d’une autre structure. Même nous deux, il fallait qu’on apprenne à travailler ensemble, avec un nouveau staff. Ça a mis du temps, mais aujourd’hui on est sur de bons rails, au bon moment. On sait ce qu’on a à faire, être prêts pour les e et e semaines du Tour. C’est notre but d’arriver en bonne condition dans ces semaines-là. A.M. Notre début de saison a été un peu compliqué. Mais Warren a eu l’expérience l’an passé d’une blessure en milieu de saison (fracture de l’os iliaque au Tour de Romandie), qui lui a permis d’arriver très frais au départ du Tour et on connaît la suite. Malgré un début de saison mi-figue, mi-raisin, il ne fallait surtout pas tomber dans le piège de vouloir mettre la charrue avant les boeufs et d’être trop en forme au Dauphiné. On n’a pas bougé d’un iota le mode de préparatio­n. Ça va être mon e grand Tour ( Tours,  Giro,  Vuelta), je commence à avoir assez d’expérience pour éviter de me brûler les ailes juste avant le départ. J’essaie de la partager. Je vois qu’on est sur une pente ascendante depuis le Dauphiné. Je suis persuadé, qu’en dehors d’un pépin, on sera au rendez-vous en juillet.

Si votre Tour est réussi, tout le reste sera de toute façon oublié... W.B. Bon, pour qu’on oublie le reste de la saison, il faut quand même que ça se passe bien. Mais c’est sûr que le Tour écrase toutes les autres courses. Il y a pas mal de coureurs qui marchent en début de saison et qu’on ne voit plus trop l’été. Amaël, comme moi, on est des coureurs d’été plus que de début de saison. C’est dommage à dire, mais, pour nous, la saison commence à partir du Dauphiné. On aime la chaleur, quand on commence à monter des longs cols. Là, on est motivé à bloc. Mais il ne faut pas trop le dire, sinon les autres coureurs vont calquer leur préparatio­n sur la nôtre (rires) et on va avoir encore plus de concurrenc­e. A.M. C’est un peu réducteur mais, en France, on se souvient du Tour, de Paris-Roubaix et du dernier week-end de Paris-Nice. Il faut être prêt au bon moment. Et c’est très complexe d’arriver en forme juste pour le début du Tour et de la tenir pendant trois semaines. Ça demande énormément d’exigences, d’investisse­ments, au niveau nutritionn­el, de la souffrance physique qu’on s’inflige à l’entraîneme­nt. Il faut se concentrer pendant - mois pour donner le meilleur de nous-mêmes. Vous avez fait votre retour dans une équipe française cette année. Qu’est-ce que cela a changé ? W.B. Plein de choses. Déjà la médiatisat­ion. D’accord, il y a eu le dernier Tour, mais il y a encore plus d’attentes. J’étais plus tranquille à l’étranger de ce point de vue là. Mais notre équipe revendique son identité bretonne et je suis super content d’en faire partie. Et j’ai aussi retrouvé pas mal de coureurs avec qui j’étais chez les amateurs. C’est un bon petit symbole. Ce n’est pas une petite équipe, comme j’ai pu l’entendre. C’est un super collectif et je suis ravi d’en être. A.M. On sous-estime souvent la force d’un groupe. On est tous frustrés de notre début de saison par rapport au manque de résultats, mais quand on voit le collectif, comment tous les gars sont soudés, veulent réussir, cherchent tous à progresser, je me dis que, quand on aura une ouverture, cette force de groupe va nous permettre d’avoir des résultats qui vont en surprendre plus d’un.

Warren, vous avez été pas mal critiqué depuis le début de saison, notamment par d’anciens coureurs. Comment l’avez-vous vécu ? W.B. Pas très bien. Je ne trouve pas ça très gentil. Je pense que quand ils étaient coureurs, ils n’aimaient pas être critiqués. C’est dommage qu’en France, on ne soutienne pas un sportif quand ça va moins bien. Je vais faire un parallèle avec l’équipe de France de foot, qui a été critiquée alors qu’elle a fini première de sa poule. On aime ressortir le négatif.

Je suis persuadé qu’en dehors d’un pépin, on sera au rendez-vous en juillet ” Amaël Moinard Ce n’est pas une petite équipe comme j’ai pu l’entendre. C’est un super collectif ” Warren Barguil

J’ai un caractère de Breton, je n’aime pas qu’on me titille ” Warren Barguil

Je fais e de Paris-Nice, e en Catalogne, e d’une étape, mais pour certains c’est nul. Sauf que dans le vélo, le niveau est homogène et pour finir dans les  premiers, il y a une trentaine de gars qui se battent pour cet objectif. Ce n’est pas si facile que ça. J’aurais préféré entendre des conseils des anciens que des critiques. Mais je respecte le point de vue de ceux qui ont gagné de grandes courses. Ils ont le droit de critiquer, mais j’ai un caractère de Breton, je n’apprécie pas qu’on me titille. Je trouve qu’au lieu de m’envoyer un message d’encouragem­ent, certains voulaient me laisser au fond du seau quand ça n’allait pas.

Amaël, c’était aussi votre rôle, avec votre expérience, de ne pas céder à la panique ? A.M. Bien sûr. Je lui dis souvent qu’il était au rendez-vous, car finir dans les  premiers de Paris-Nice et du Tour de Catalogne, ça reste une performanc­e. Warren n’a pas eu de blessure ou de méforme. Il a dû digérer le changement d’équipe, il s’est aussi affirmé dans son rôle de leader. C’est un jeune leader, mais il a démontré son caractère, sur le vélo et en dehors. Dans la constructi­on d’une carrière, avec les objectifs qu’il a et peut atteindre grâce à son talent, ces six mois plus difficiles vont lui être bénéfiques, car la roue tourne toujours. Quand cette hargne, cette frustratio­n vont se transforme­r en rage sur le vélo, ça va décupler ses forces. Je suis sûr que le succès sera devant lui et il pourra d’autant plus le savourer.

Qu’attendez-vous l’un de l’autre sur le Tour ? W.B. Tout ce que j’ai depuis le début. Sa sagesse et son vécu qui font qu’il ne panique jamais. Et puis d’être présent à mes côtés pendant tout le Tour. Je sais très bien que ça sera le cas (Moinard a fini les  grands Tours qu’il a débutés). A.M. Je n’attends rien de lui (rires). Qu’il reste tel qu’il est, fougueux. En prenant de l’âge, on devient plus raisonnabl­e, car on pratique un sport très dur, où on va très loin dans la souffrance. Voir Warren aller toujours de l’avant, être heureux sur le vélo, ça me motive à me faire mal à l’entraîneme­nt, à en rajouter pour lui. Mais ça reste du sport. Si ça marche, tant mieux, si ce n’est pas le cas, tant pis si on a tout essayé, on n’aura pas de regret.

Warren, vous avez promis de faire un Tour offensif... W.B. Oui, si je marche bien, je vais attaquer. Mais l’équipe aussi. Sur le Dauphiné, on s’est retrouvé à trois dans une échappée. Ça n’a pas marché, mais il faut garder cet état d’esprit. Je sens que ça va payer sur le Tour. Même si ce n’est pas une gagne, parce que ça arrive très rarement, déjà faire une grosse étape pour montrer qui on est, ce serait déjà bien.

Amaël, après avoir roulé pour de grands leaders (Evans, Van Garderen, Porte), vous allez redécouvri­r un cyclisme plus offensif... A.M. Ponctuelle­ment, j’avais pu le faire chez BMC.

Au Giro, en , je n’avais pas un grand leader et ça m’avait beaucoup plu. J’y ai regoûté l’an passé, après la chute malheureus­e de Richie Porte. J’étais présent devant et c’est le cyclisme que j’aime. J’ai besoin de ça. De tout tenter, quitte à tout perdre. Mais je sais aussi que le cyclisme est mon métier et j’obéis aux stratégies d’équipes.

Warren, si vous deviez choisir entre le maillot à pois et une étape ? W.B. (il hésite) Pas facile. A.M. Ça ne se choisit pas, l’un ira avec l’autre. W.B. Quand j’ai pris le maillot à pois, on m’a dit, “tu vas aller gagner une étape”. J’en ai eu deux finalement. Quand tu joues le maillot à pois, t’arrives souvent pour la gagne d’une étape. Il faut réussir à ne pas trop en faire, pour aller prendre le maillot à pois et mettre la balle au fond ensuite. Le maillot avait eu l’effet d’un déclic, ça avait lancé mon Tour.

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(Photo R.L.) Warren Barguil et Amaël Moinard ont passé une dizaine de jours à Isola  pour se préparer en altitude aux cols du Tour.
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Sur les routes de la Tinée, Barguil, Moinard, en stage avec Gesbert et Hardy, ont enchaîné les kilomètres.
 ?? (Photos EPA, AFP, R.L. et G.L.) ?? Warren Barguil a enflammé le dernier Tour avec son maillot à pois et ses deux victoires d’étapes. Amaël Moinard courait à ce moment pour la BMC. Ils sont désormais réunis avec les couleurs de Fortuneo.
(Photos EPA, AFP, R.L. et G.L.) Warren Barguil a enflammé le dernier Tour avec son maillot à pois et ses deux victoires d’étapes. Amaël Moinard courait à ce moment pour la BMC. Ils sont désormais réunis avec les couleurs de Fortuneo.

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