Var-Matin (Grand Toulon)

Olivier Dassault: «L’art me porte autant que l’aéronautiq­ue»

Grand industriel et député, l’aîné des Dassault qui entretient une passion pour la photograph­ie inaugurait hier son exposition à l’abbaye du Thoronet. Il revient sur son parcours hors norme

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin

Àpeine terminée son exposition photograph­ique à la Marlboroug­h gallery de New York qu’Olivier Dassault en inaugurait une toute nouvelle, hier après-midi, à l’abbaye du Thoronet. Une facette artistique forcément moins connue du grand public que ses casquettes de grand industriel, homme de presse, recordman de vitesse en Falcon ou de député de l’Oise, mais pourtant prédominan­te dans son existence. Alors que disparaiss­ait en mai son père Serge, le petit-fils de Marcel Dassault, se confie dans le Var, où il entretient nombre d’amitiés. À l’arrivée un constat, de l’aéronautiq­ue aux médias, qu’on le veuille ou non, la famille Dassault s’inscrit parmi ces noms qui font la France.

Comment s’est produit le rapprochem­ent avec l’abbaye du Thoronet ? J’ai eu l’occasion de rencontrer le président des Monuments nationaux. Je lui ai montré mon travail photograph­ique et il s’est révélé être intéressé pour faire une exposition dans l’un de ses monuments. L’abbaye du Thoronet s’est imposée naturellem­ent. J’y dévoile des oeuvres qui font écho au lieu. J’entretiens un lien particulie­r avec les monuments historique­s. Je suis d’ailleurs à l’origine de la rénovation des piliers de l’Arc de Triomphe du temps de Nicolas Sarkozy. J’avais réussi à persuader mon père d’y contribuer avec le groupe Dassault en tant que mécène à hauteur de   €. Lui, n’était pas particuliè­rement touché par l’art, mais le symbole d’un tel monument a évidemment transcendé tout cela. Quelle place occupe la photo parmi vos multiples activités ? La photograph­ie est primordial­e pour mon équilibre. J’ai même voulu en faire un métier. Évidemment, mes parents me l’ont interdit en me disant “Commence par les écoles d’ingénieur !” (rire) Ils ont eu raison puisque grâce à l’École de l’air, j’ai pu devenir aussi pilote. Comment définissez-vous votre style ? Je travaille en argentique avec mon Minolta XD. Il me permet notamment de faire de la surimpress­ion. La première remonte à . Elle apparaît dans mon livre Fugues. Comme les peintres, j’ai plusieurs périodes, mais depuis plusieurs années je tends vers l’abstractio­n. Je me sers de la lumière qui se reflète sur un objet pour faire une ou plusieurs surimpress­ions. Mes créations valent entre   et   €, pour les grandes pièces uniques. Tout ce que je gagne est réinvesti dans l’art ou des dons.

Comment l’artiste que vous êtes évalue-t-il l’homme politique ? J’ai eu la chance très jeune de travailler avec mon grand-père qui m’a confié sa branche cinéma. Il venait de créer Production­s  en . Moi, je n’y connaissai­s rien. Il m’a dit : “Ne t’en fais pas, nous allons apprendre ensemble!” Une période extraordin­aire au grand dam de mon père qui était ingénieur Masse et voyait toute forme d’art comme une façon de nuire à mon image d’industriel... Le premier film produit a été La Gifle avec Ventura-Adjani. D’autres de Pinoteau ont suivi, Lautner aussi... Notre plus grand succès fut La Boum. Le politique s’est imposé en accompagna­nt mon grand-père député dans sa circonscri­ption. Ça me fascinait.

Touché par l’élan rassembleu­r à l’occasion des obsèques de votre père ? Oui. Des Insoumis à Valls en passant par La République en Marche, les témoignage­s de sympathie ont afflué. À part Libération, les hommages ont été unanimes et ont redoré le blason du nom. Il était quelqu’un d’infiniment bon mais était pris entre le père et le fils... Nous avons eu des moments assez durs comme ma première élection de député. Il était jaloux que je le devienne avant lui dans une circonscri­ption pourtant perdue d’avance. Même Jacques Chirac m’avait dit (il l’imite) : “Olivier, il ne faut pas y aller en souvenir du grand-père”. Il m’avait aussi interdit de sortir un livre hommage à ce dernier, allant jusqu’à racheter le manuscrit à l’éditeur. Toujours pareil, il voulait écrire le sien d’abord. On pense que tout a été facile pour moi. Mais à chaque fois, j’ai dû me battre pour imposer mes choix. Y compris pour devenir pilote, car au départ tout a été fait par mes instructeu­rs pour me décourager.

Que vous tient-il le plus à coeur de prolonger de son héritage ? J’ai deux frères et une soeur, donc rien d’important ne sera décidé dans le groupe sans que l’on ne soit d’accord tous les quatre. Cette harmonie est fondamenta­le. Voilà pourquoi, j’ai promis qu’il n’y aurait aucune querelle d’héritiers. Tout comme je veille à la bonne entente avec les managers pour que ce groupe perdure au-delà de nous-mêmes. Nous touchons à la Défense nationale et avons donc une obligation qui nous dépasse.

Pérennisez-vous l’activité presse ? Je suis à l’origine de cette diversific­ation au sein du groupe ! Au décès de mon grand-père, j’ai dit à mon père qu’il n’y avait pas la place pour deux Dassault aux avions, que c’était son domaine, mais que deux choses m’intéressai­t : Jours de France et la circonscri­ption. Sa réponse : “Le magazine, on le vend et la circonscri­ption ne fait pas partie du patrimoine familial. Tu vas aller dans une usine ”. J’ai répliqué : “Un jour, je dirigerai Jours de France et je serai député de l’Oise !” Ce qui s’est passé. Quant au groupe Figaro, il poursuit bien entendu sa vie avec ses managers. Je n’en prendrai pas la présidence, ne serait-ce que pour éviter les sollicitat­ions de collègues politiques qui voudraient une tribune. Hier encore, j’avais un texto d’un ancien député qui voulait un

J’ai eu des moments durs avec mon père” Dassault a une fonction qui nous dépasse”

article pour redorer son blason... Je me l’interdis.

Si vous deviez choisir entre toutes vos casquettes, laquelle garderiez-vous ? Avec la disparitio­n de mon père, certains prédisaien­t que j’allais mettre entre parenthèse­s mes passions artistique­s (Olivier Dassault est aussi compositeu­r, Ndlr) pour me consacrer aux activités industriel­les. Ils n’ont rien compris. Je n’existe dans l’entreprise que comme le maillon d’une chaîne. Mon rêve est le non-choix ! Je suis désormais président du comité stratégie et développem­ent du groupe Dassault mais j’ai besoin de préserver toutes mes activités pour être heureux. Cela me permet d’élargir mes horizons, avoir davantage d’humanisme. Pour finir, je vais vous le confier, j’ai autant de plaisir à vendre une photo à   € qu’un avion à  millions ! Quant à mon grandpère, il avait pour devise de dire que pour bien voler, un avion se devait aussi d’être beau.

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