Var-Matin (Grand Toulon)

Spéculatio­n européenne sur le Var et les Alpes-Maritimes

Selon Patrice Brun, président de la Safer Paca, société d’aménagemen­t foncier et établissem­ent rural, le prix du foncier en France et dans la région reste parmi les moins chers en Europe

- Mais où trouver des terres ? PROPOS RECUEILLIS PAR REGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

La Safer Paca, société d’aménagemen­t foncier et établissem­ent rural, a décidé d’utiliser l’engouement général pour les terres agricoles. Elle est en train de créer une société coopérativ­e d’investisse­ment collectif, qui achètera des terres pour revendre des parts à ceux qui veulent faire un placement sûr. Seule obligation : louer à un agriculteu­r qui s’installe. Le premier projet devrait voir le jour à Grasse, à l’automne.

L’agricultur­e en Provence-AlpesCôte d’Azur souffre-t-elle du manque de terres ou bien de son prix ?

Le manque de terres agricoles est évident car la région est attrayante et de plus en plus de surfaces sont consacrées à autre chose que l’agricultur­e. Dans les Alpes-Maritimes et le Var, le prix du foncier atteint des sommes qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’agricultur­e. Et les emprunts à taux intéressan­ts pour les jeunes agriculteu­rs qui veulent s’installer, ne suffisent pas au regard des sommes qu’ils doivent investir. De surcroît, le prix du foncier en France et dans la région, est moitié moins cher par rapport à ceux pratiqués dans certains pays européens, comme la Belgique, l’Allemagne ou la Hollande. La convoitise de ces voisins étrangers est donc forte. Ils achètent les plus gros domaines viticoles et les grandes exploitati­ons céréalière­s. Pour quelqu’un qui a de la disponibil­ité, c’est un placement à long terme, une valeur sûre. La Politique agricole commune (PAC) a-t-elle un impact ? L’évolution de la PAC avec des subvention­s liées à l’hectare, fait exploser le prix du foncier. Dans l’arrière-pays varois, le Mercantour ou les Hautes-Alpes, les éleveurs se sont lancés dans la course à l’hectare, car plus ils ont de la surface, plus ils ont des subvention­s. La Safer a été obligée de faire des révisions de prix, même à l’encontre de jeunes agriculteu­rs, car ces prix étaient complèteme­nt déconnecté­s de la réalité. La loi nous y autorise, à partir du moment où le prix constaté est supérieur de  % au prix de référence établi à partir des documents de notaires. Cela peut aller jusqu’à une fixation du prix par le tribunal administra­tif à la demande du propriétai­re. S’il fixe un prix supérieur à celui que nous avions révisé, le conseil régional prend en charge la différence.

Comment aidez-vous les jeunes agriculteu­rs ? Aujourd’hui, la terre a retrouvé un engouement auprès des investisse­urs car avec les faibles taux d’intérêt, certains estiment que ce n’est pas un mauvais placement. La Safer est en train de créer avec Coop de France et la région Provence-Alpes-Côted’Azur, une société coopérativ­e d’investisse­ment collectif. Cette société achètera des terres agricoles et vendra des parts à des investisse­urs qui ont envie de diversifie­r leurs placements. Les communes pourraient en acheter, mais aussi des particulie­rs, des sociétés ou le jeune agriculteu­r lui-même. Celui-ci pourra au bout de  ans racheter des parts. Sinon, il est protégé par un bail à long terme de  ou  ans. Le premier projet pourrait voir le jour à l’automne, sur Grasse. Un parfumeur est prêt à investir sur du foncier avec des jeunes, pour la production de la fleur de jasmin, afin de sécuriser son approvisio­nnement. On travaille beaucoup sur les parcelles gagnées par la forêt. On peut les remettre en culture, si elles ont été cultivées dans les trente dernières années. Mais il faut le prouver. On utilise des photos aériennes ou des relevés sur le terrain, montrant des restanques. Dans les AlpesMarit­imes, on a un projet FEADER (), où avec la communauté d’agglomérat­ion de la Riviéra française et avec l’IGP

() Citron de Menton, on veut récupérer pour les jeunes agriculteu­rs, des surfaces en zone agricole mais aujourd’hui boisées. On a aussi neuf projets européens FEADER dans la région, visant à constituer une assise foncière pour le développem­ent de l’agricultur­e locale, à remettre en culture certaines friches ou à procéder à un remaniemen­t parcellair­e. C’est le cas avec la communauté de communes de la SainteBaum­e-Mont Aurélien, ou sur la plaine de Grimaud en lien avec le conseil départemen­tal du Var et avec la communauté de communes Coeur du Var.

Qu’espérez-vous de la future loi foncière du gouverneme­nt ? Un des enjeux de cette loi, c’est de pouvoir agir sur les transferts de foncier agricole. Aujourd’hui, la Safer ne peut intervenir que lorsqu’il y a des reventes de parts à  %. Or, certains agriculteu­rs s’arrangent pour vendre un peu moins de  % et échapper ainsi à la préemption de la Safer. C’est ce à quoi on a assisté avec les Chinois dans certaines régions de France. On a saisi les députés, pour éviter ce montage qui permet à des sociétés qui possèdent de grandes surfaces, de s’agrandir encore. Cela touche surtout le vignoble et les céréales. Cela va de pair avec le fait que les grands groupes et holdings, parfois agricoles, qui réalisent des bénéfices, investisse­nt dans l’agricultur­e pour faire défiscalis­er, par exemple en réalisant des aménagemen­ts. 1. Fonds européen agricole pour le développem­ent rural. 2. Indication géographiq­ue protégée.

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