Var-Matin (Grand Toulon)

«À l’époque, nous étions les géants de la route»

Ex-coureur cycliste, Denis Roux est aujourd’hui agent immobilier à Six-Fours. Juste avant le départ de la Grande Boucle, nous avons causé vélo, Colombiens, dopage, Faron ou tour… du monde

- RECUEILLI PAR MA.D. mdalaine@nicematin.fr

Rangé des vélos, Denis Roux ? Pas vraiment. L’ancien coureur profession­nel et directeur sportif de 56 ans a beau s’être reconverti en agent immobilier à Six-Fours, du côté des Lônes où il habite, il s’apprête néanmoins à participer à son 23e Tour de France (d’aujourd’hui au 29 juillet). Ce, en tant que pilote des invités de la marque Krys, l’opticien qui parraine le Maillot blanc de meilleur jeune. Rencontre avec un type qui, un beau jour de juillet 1988, a quand même dévalé les Champs-Elysées à la 10e place du classement général de la plus grande course cycliste du monde.

Vous retournez encore une fois sur le Tour. Ça vous plaît tant que ça ? Oui, oui. Là-bas, je connais tout le monde. Les directeurs sportifs actuels ont été soit mes coéquipier­s, soit mes coureurs. Les Hinault, Madiot, Bernaudeau, Vasseur, je suis toujours aussi heureux de les revoir. L’ambiance est sympa. C’est une grande famille, vous savez. Et là, je vais travailler pour Krys, qui parraine le Maillot blanc de meilleur jeune. Leur philosophi­e me correspond bien.

Et vous faites quoi exactement ? En gros, je fais des relations publiques : je prends en charge les invités de Krys, je leur montre les coulisses de la course, l’arrivée de l’étape, j’organise des rencontres avec ceux qui ont marqué le Tour… Ils me posent des questions et je leur raconte.

Vous leur racontez quoi quand ils vous demandent votre meilleur souvenir sur le Tour ? J’avoue que finir un Tour sur les Champs-Elysées à la e place du général (en , ndlr), ça reste très, très fort. À l’époque, je bossais pour Ronan Pensec mais j’étais un bon grimpeur. Et en tant que directeur sportif, mon meilleur souvenir, c’est notre victoire en contre-la-montre par équipe, avec le Crédit Agricole en . C’était quand même devant Armstrong et ses gars !

Lance Armstrong est un nom qui ne rappelle pas que des bons souvenirs… Ça vous agace qu’on évoque systématiq­uement le dopage quand on parle de vélo ? Oui. Ca me gonfle et ça me gonflera toujours. Parce que contrairem­ent à ce que pensent certaines personnes, oui, c’est possible de faire un Tour sans se doper. J’en ai fait six ; mes gars aussi l’ont fait, je peux le certifier. Et concernant les Bardet, Pinot et compagnie, à mon avis, il n’y a pas non plus la moindre suspicion à avoir.

Et Froome, vous en pensez quoi ? Ca vous déçoit qu’il soit au Tour? Pfff… Je n’en pense rien. Je n’ai pas toutes les données en main. Mais cela m’aurait énervé que la décision de le suspendre ou non ne soit pas prise avant le Tour, pour lequel il est le grandissim­e favori.

Vous voyez Froome gagner ? Compte tenu de sa forme

exceptionn­elle en finissant le Giro, clairement, il sera dur à battre. Bon, il y aura aussi Dumoulin, les Movistar Quintana, Valverde, Landa. Et puis Bardet. Il a le niveau. Reste à voir la configurat­ion de la course. Il aura peut-être besoin d’un concours de circonstan­ces pour battre Froome. Dans tous les cas, ça devrait être un beau Tour.

Ca ne vous manque pas la compétitio­n ? Non. En plus, pour être honnête, je pense que c’était plus agréable d’être coureur à mon époque. Une époque copains, bons vivants… Moi, je suis de Nevers. Quand je rentrais dans un resto là-bas, on m’invitait à manger. Nous étions les géants de la route ! Là, ça ne prend pas cinq minutes avant que quelqu’un ne mette en doute vos performanc­es. Les Bardet et compagnie, ils doivent en souffrir, j’en suis sûr. Pour ça, je ne les envie absolument pas.

Et sinon, vous avez des regrets sur votre carrière de coureur ? Aucun. J’ai fait une dixième place au Tour, j’ai gagné une belle étape de montagne à la Vuelta. Allez, peut-être que j’aurais pu continuer encore un peu. J’ai arrêté à  ans mais j’avais sans doute encore quelques belles années devant moi. A  ans, je fais encore e du Tour. Mais c’est comme ça : à l’époque, on arrêtait à  ans.

Cette époque, c’est aussi celle où les Colombiens arrivaient sur le Tour. Racontez-nous… Je me souviens en , à mon premier Tour, on voit débarquer des coureurs gros comme des arbalètes, la peau bronzée, et qui grimpaient tels des ascenseurs. Dans les bosses, ils larguaient même Hinault ! Ils arrivaient plein de globules de leurs montagnes colombienn­es. C’était quelque chose à voir ! Bon, en peloton, par contre, c’était un peu la catastroph­e. Un jour sur le Dauphiné, je m’en suis mangé un sur le dos, j’ai pris un rocher et fait du coma. Mais, attention, c’étaient des mecs sympas.

Pourquoi avez-vous décidé d’arrêter votre carrière de directeur sportif en  ? En fait, ça faisait des années que je voyageais seul, laissant ma famille à la maison. C’était frustrant. Un jour, je me suis dit qu’on pourrait partir découvrir le monde tous ensemble. Et avec les histoires qu’il y avait dans le vélo, ça devenait pénible psychologi­quement. Ça a fini de me convaincre.

Vous êtes parti voyager ? Oui, avec ma femme et trois de mes filles, dont la plus jeune n’avait que  jours, nous avons fait le tour du monde pendant  ans. On a pris le camping-car et zou. Nous avons traversé  pays, rencontré des gens merveilleu­x, vécu aux Seychelles, au Mexique… Nous sommes rentrés il y a trois ans, ma femme a monté son agence immobilièr­e et voilà. Mais dès que les enfants seront grands, on repart !

Vous roulez encore, sinon ? Je roulotte, disons… Mais pendant des années, je n’ai carrément plus touché à mon vélo. Vous savez, j’ai fait   km dans ma carrière, je crois que j’ai donné… Bon, il y a peu, j’ai un peu pédalé derrière Toulon, j’ai monté le Faron. Mais c’est tout, je ne fais plus de grosses sorties.

Le Faron, justement, n’a plus été grimpé sur le Tour depuis . Ça ne vous plairait pas qu’il repasse par là? Évidemment ! C’est merveilleu­x cette montée. Et que dire de la vue, là-haut ! Imaginez, la rade et la baie de Sanary en Mondiovisi­on. Quelle publicité ! On pourrait aussi organiser une arrivée au circuit du Castellet ou devant le stade Mayol, pourquoi pas, ça serait super.

Les politiques disent que c’est trop compliqué… J’ai roulé dans des endroits autrement plus difficiles d’accès, je vous assure. Compliqué, ça l’est mais seulement une journée. Regardez à Marseille, l’an passé : ils ont bloqué la ville mais quelle publicité ! La plus-value en termes d’image et de retombées économique­s serait énorme.

Faire un Tour sans se doper, c’est possible : j’en ai fait six ! ” J’ai fait   km dans ma carrière, je crois que j’ai donné… ”

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(Photo Ma. D.) Denis Roux chez lui, aux Lônes, avec son vélo de , l’année de son dernier Tour.
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(Photo DR) En , il gagne une étape du Tour d’Espagne.

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