Xavier de Maistre, star de la harpe revient sur ses terres
Il joue ce soir au Festival L’Estival à la Tour royale, avec la reine des castagnettes Lucero Tena. Retour sur le parcours international d’un ancien élève hors-norme du conservatoire de Toulon
À45 ans, il est le plus grand harpiste reconnu dans le monde aujourd’hui, offrant un nouvel avenir à cet instrument. Xavier de Maistre découvre la harpe à l’âge de 9 ans, à Toulon, où ses parents l’inscrivent au conservatoire. Il tombe alors en admiration devant la prof de harpe Vassilia Briano. «C’était une histoire d’amour avec la prof, avant de devenir une histoire d’amour avec l’instrument lui-même », raconte-t-il. Une enseignante emblématique, aujourd’hui à la retraite, harpiste à l’opéra de Toulon, «qui a marqué beaucoup de gens. C’était une professeur exceptionnelle», s’extasiet-il encore. Motivé, il avale alors les longs trajets en bus depuis La Valette et n’a rien oublié de cette période toulonnaise. «Le conservatoire était encore en bas du cours Louis-Blanc. Je me souviens de ce vieux bâtiment. J’étais terrorisé par la prof de solfège qui avait décrété que j’étais “antidoué” pour la musique et que je ferais mieux de faire du football. Heureusement que Vassilia m’a encouragé. Je me souviens du déménagement du conservatoire aux Lices et très rapidement de Vassilia disant à mes parents qu’il y avait vraiment un don exceptionnel et qu’il fallait envisager d’aller plus loin. Puis viennent mes premiers concours nationaux, internationaux... » Dans cette famille d’origine aristocratique, qui compte Joseph et Xavier de Maistre, écrivains du début du XIXe s., il sera le premier musicien. Non sans avoir dû faire ses preuves : « Mes parents et le reste de ma famille se sont faits un peu de souci quand j’ai dit que je voulais devenir musicien. On m’a fortement encouragé à pousser des études classiques en plus de la musique ». Par classiques, entendez qu’il fera notamment Sciences Po Paris. Mais il enchaîne aussi très vite avec le conservatoire supérieur de Lyon et quitte Toulon à 16 ans.
Premier Français à la Philharmonie de Vienne
Petit retour sur la prof de solfège de Toulon. Xavier de Maistre avoue : « Je n’avais pas l’oreille absolue, j’entendais pas grand-chose. J’ai beaucoup travaillé par la suite. » Un message d’espoir pour des générations d’enfants traumatisés par les cours de solfège : « C’est important de le dire, ne pas avoir l’oreille musicale, ce n’est pas honteux pour devenir musicien. Même si au départ, on n’entend pas ou on chante faux, la harpe n’est pas un instrument comme le piano. D’autres qualités entrent en ligne de compte. » Il franchira un autre obstacle de taille : « Pendant toutes mes études, on m’a dit que ce n’était pas possible de devenir soliste avec la harpe, que le mieux qu’on puisse atteindre était de rentrer dans un grand orchestre ». Qu’à cela ne tienne, il devient alors le premier musicien français à intégrer, à 24 ans, le Philharmonique de Vienne, quelque chose comme l’un des plus grands orchestres mondiaux. S’ensuivent les tournées dans le monde entier, pendant 10 ans.
Demandé en Asie, Europe, USA...
De quoi faire passer l’envie de se risquer à devenir soliste. Mais non, avec les partitions actuelles, « il faut savoir que dans un orchestre, un harpiste passe 95 % de son temps à attendre. N’étant pas d’une nature très patiente, je me suis dit que je n’allais pas être heureux comme ça... » Les grands compositeurs de musique classique n’ont pas pensé à placer son instrument au centre de leurs oeuvres ? Il va se rappeler àeux.« Je me suis dit que pour pouvoir présenter la harpe en tant qu’instrument soliste, il fallait être novateur au niveau du répertoire. Le problème, c’est qu’en tant qu’harpiste, on n’a pas du Beethoven, Tchaïkovsky... donc j’ai commencé à adapter des oeuvres qui étaient écrites au départ pour le piano ». Son premier album consacré à Claude Debussy sort chez Sony. Suivent Haydn, Mozart adaptés... Son travail suscite l’intérêt de plus en plus de chefs et musiciens. Aujourd’hui, le pari est réussi. Xavier de Maistre partage ses tournées entre l’Asie, l’Europe et les USA, ravi de « jouer dans les mêmes salles qu’avec le Philharmonique de Vienne », avec les plus grands orchestres. Même les Chinois en sont dingues. Lui-même n’en revient pas totalement. «Là aussi, quand j’ai quitté l’orchestre, on m’a dit “tu es fou !” Je ne pouvais pas prévoir que ma carrière prendrait une telle ampleur. C’était un peu un risqué au départ. » Après dix ans de carrière soliste, son «rôle de pionnier pour développer le répertoire, comme il le définit, porte ses fruits. C’est assez grisant de pouvoir avoir ce rôle, d’ouvrir de nouvelles portes ». Il a inspiré la création du Concerto pour harpe de la compositrice finlandaise Kajia Saariaho, l’une des plus talentueuses de sa génération.
Digne de son ancêtre
Une chance ? Non, plutôt, « développer le répertoire de cet instrument qui en a besoin, je pense que c’est mon devoir, explique-t-il, puisque maintenant j’ai la possibilité de convaincre des compositeurs majeurs du XXIe siècle ».
Je n’avais pas l’oreille absolue, j’entendais pas grand-chose ” Quand j’ai quitté l’orchestre, onm’adit: Tu es fou ! ” J’ai la possibilité de convaincre les compositeurs majeurs du XXIes. ”
Xavier de Maistre redonne ainsi ses lettres de noblesse à la harpe, qui a connu « sa période de gloire à la fin XVIIIe siècle », rappelle-t-il. À cette époque toutes les jeunes filles de bonne famille s’y adonnaient, Marie-Antoinette la première. Une période « balayée » par la fin de l’Ancien Régime, qu’il fait renaître aujourd’hui, suscitant par son exemple des vocations masculines notamment. Un vrai pied de nez à l’histoire, qui aurait sûrement enchanté son ancêtre, Joseph de Maistre, philosophe de la contre-révolution. Il précise aussi que, loin de l’image languissante que l’on peut en avoir gardé, la harpe a évolué, devenue depuis instrument polyphonique. « On peut jouer des partitions très riches. Il m’arrive de retranscrire des partitions qui ont été écrites pour orchestre ». Enfin, la plus grande révolution de Xavier de Maistre est quand même d’avoir osé s’emparer de cet instrument que l’on imagine plutôt entre les doigts d’une déesse gracile. Même si les femmes se réjouiront qu’un bel homme en fasse usage. Sur ce plan-là, il l’affirme, les quelques clichés et quolibets encaissés, entendus durant l’enfance sont loin derrière. Une vraie révolution. Ce soir, 21 h 30, Tour royale, Tarifs de 13,50 à 27,50 euros. Billetterie dans les points de vente habituels. Rens.www.festivalmusiquetoulon.com