La famille Celik : « Aucune excuse. Aucune lettre. »
« Je travaille sans cesse pour ne plus penser. Notre famille est brisée. J’ai perdu mon unique fils. Mon épouse fait des allers-retours en Turquie où Emre est enterré pour fleurir sa tombe. On s’est senti terriblement seul.» Pasa Celik a quitté la Turquie il y a trente ans pour une vie meilleure. Ce maçon craurois aux mains d’or avait jusqu’alors une vie sans histoire. La vie d’un bosseur. Dans le cabinet de son avocat, cet homme à l’apparence forte tente de cacher sa souffrance. La gorge nouée, il évoque ce deuil si difficile. « Vous imaginez que ni la société de transports, ni la conductrice ne nous ont adressé un quelconque message ». Face à l’émotion de ce père, Me Travart prend alors le relais. « Cette famille n’est pas dans un esprit revanchard. Elle ne crie pas à l’emprisonnement. Par contre, un peu d’humanité aurait pu apaiser leurs souffrances». À 28 ans, Gulsun, l’une des quatre soeurs du jeune garçon, maman de deux jeunes enfants, avoue son mal-être. « Je n’ai plus aucune joie de vivre. Comment se reconstruire quand on classe l’affaire, quand on nous dit dans un cabinet d’instruction qu’il est volontairement jeté sous les roues ? Aucune excuse. Aucune lettre de condoléances. Nous, nous n’avons pas bénéficié d’un soutien psychologique. Encore moins notre soeur qui, à l’âge de 4 ans, a perdu son grand frère ».
Images des caméras
Elle précise que son frère avait bénéficié, en août, d’une prime de rentrée scolaire. «On nous a demandé de rembourser 380€ ! J’étais scandalisée. La CAF s’est excusée ». Il y a aussi des éléments dans le dossier auxquels ils auraient dû avoir des réponses. Des questions toujours en suspens. « Dans la nuit, le passage piéton a été repeint. Pour quelle raison ?». Ils relèvent que de nombreux témoins étaient présents sur les lieux, dans le bus. Quant aux images tirées des vidéosurveillances, trois sont exploitables. « On voit Emre taper à la porte du bus. Sur la deuxième on ne le voit plus. Sur la troisième, la conductrice descend du bus ». Et de relever qu’à la suite de l’accident des aménagements ont été rapidement réalisés, comme le changement des horaires des bus. « Si nous sommes indemnisés, cet argent sera consacré à faire quelque chose de bien. L’argent ne nous le ramènera pas. En guise d’hommage pour Emre. Il aimait tellement chanter à la chorale et être avec ses amies. C’était un si gentil garçon… »