La guerre des cités s’invite au tribunal correctionnel
A l’ouest de Toulon, des bandes des cités du Guynemer et de La Florane se vouent une haine féroce et insensée. Trois jeunes hommes étaient jugés hier pour des tirs aveugles
Le procès de trois individus interpellés après des coups de feu en janvier 2017 s’est tenu hier, sur fond de conflit entre des bandes des cités toulonnaises du Guynemer et de La Florane. Les prévenus, âgés de 20 à 23 ans, ont été condamnés à des peines comprises entre trois et quatre ans de prison (partiellement assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve). Résumé de l’audience du tribunal correctionnel en trois citations. .
« La Guerre des Boutons version Smith & Wesson »
Le 12 janvier 2017, vers 19 heures, les prévenus font irruption dans la cité de La Florane à bord d’une voiture. Selon les témoignages, entre deux et six tirs par arme à feu ont été effectués depuis cette Renault Clio (sans faire de blessé). Il s’agissait d’une «expédition punitive» aveugle, en représailles à l’agression, quelques heures plus tôt en centre-ville, d’un proche de ces habitants du Guynemer. La représentante du parquet, Stéphanie Batlle, décrit ainsi le contexte : « Une Guerre des Boutons version Smith & Wesson (en référence à deux des trois armes saisies, Ndlr), les deux cités se détestent et on ne sait plus pourquoi.» .
« On aurait dû faire feu »
La Clio a été interceptée par un équipage de la brigade anticriminalité (Bac), dont le sang-froid a été souligné hier. L’un des passagers est sorti du véhicule(1) et a «balayé» les policiers avec son arme, avant d’être finalement interpellé. «Le seul truc que j’avais en tête, c’était de prendre la fuite », explique le prévenu au tribunal. «Au vu de Vigipirate, on aurait dû faire feu, a confié l’un des policiers au cours de l’instruction. Je suis bien content de ne pas l’avoir fait. » Pour l’avocat des fonctionnaires de la Bac, Me Régis Durand : « Ce n’est jamais anodin de faire usage de son arme, c’est plus rassurant de savoir [les délinquants] en prison, et même plus tard dehors, plutôt que dans un cimetière.» .
« Ce n’est pas une guerre de territoire »
Le parquet a requis des peines de 5 ans de prison pour deux des prévenus au casier judiciaire vierge – dont celui qui a tendu son arme vers les policiers –, et 7 ans pour l’autre, déjà condamné. De quoi faire sursauter la défense. « Ce sont des réquisitions que l’on entend pour une tête de réseau d’un trafic de drogue, ou pour des braqueurs », s’est ému Me Philippe Comani. Or dans ce dossier, comme l’ont souligné Mes Didier Hollet et Thierry Fradet, « c’est bien l’agression d’un proche qui est à l’origine des faits, ces jeunes ont réagi avec leurs codes (...), on n’est pas en train de se partager un territoire pour le trafic de stupéfiants ». 1. Le conducteur, mineur, est visé par une procédure distincte au tribunal pour enfant.