Var-Matin (Grand Toulon)

L’esprit de la Nouvelle-Orléans en quelque sorte ?

- Que s’est-il passé depuis votre dernier concert cet hiver au Monte-Carlo Jazz Festival ? Le cousin de votre père, c’était quand même Wynton Kelly, un des plus grands pianistes de l’histoire du jazz... Est-ce que Wynton Kelly vous a aidé à devenir musicien

Après la sortie d’un nouvel album intitulé Laid Black sur le label Blue Note, Marcus Miller reprend la route pour une énième tournée. L’homme au chapeau noir – un pork pie hat –, était hier soir à la Pinède Gould à Jazz à Juan. Une étape incontourn­able pour l’artiste qui s’est livré un peu avant de monter sur scène accompagné de la chanteuse Selah Sue. Après Monaco, j’ai vécu une période très difficile de ma vie. J’ai perdu mon père. Mon épouse a perdu sa mère presque en même temps. Le paradoxe, c’est que nous avions prévu de faire de Laid Black un album de joie. Un album rythmé pour danser. Cela a été très compliqué de conserver cet état d’esprit car nous étions touchés. Nous avons essayé quand même. Du coup, j’ai écrit Sublimity pour ma belle-mère et Preacher’s Kid pour mon père. J’ai aussi invité le groupe américain Take  et des musiciens comme Kirk Whalum ou Alex Han à nous rejoindre. C’était très important dans cette chanson d’avoir toutes les émotions que nous avions ressenti lors de cette période difficile. Oui c’est exactement cela. Sauf que lorsque je joue ces morceaux sur scène, il y a cette émotion qui revient. Un sentiment de joie, comme à la Nouvelle-Orléans. Je danse et j’ai l’impression d’avoir mon père à mes côtés. Il nous a quittés à  ans. Il a créé pour moi et mon frère une vie pleine de musique et d’amour. Il a sacrifié sa propre carrière pour que je puisse réussir dans ce métier. Il a travaillé longtemps pour soutenir sa famille. Il a accompagné notamment au piano Paul Chambers, Jimmy Cobb et Miles Davis. Oui c’était le cousin de mon père qui, lui, était un homme d’église. Wynton Kelly a commencé sa carrière musicale à  ans. À  ans, il jouait avec Dizzy. La suite, on la connaît. Mon père travaillai­t toute la semaine, et jouait l’orgue à l’église le dimanche. Il est mort en . J’étais donc trop jeune pour cela. Mais ma mère m’a raconté une anecdote. Quand j’avais cinq ans, Wynton Kelly est venu à la maison. Il m’a pris la main et m’a amené avec lui toute une nuit. Franchemen­t, je ne m’en rappelle pas. Je n’ai aucun souvenir. Du coup je me suis inventé une histoire. Mais je suis persuadé qu’il m’a fièrement présenté à Wes Montgomery, John Coltrane et Miles Davis ou Paul Chambers. Ce n’est peut-être pas la vérité. Mais c’est dans mes rêves peut-être une réalité. J’ai commencé la basse à l’âge de treize ans. Dans mon école, j’ai rencontré le batteur de jazz Kenny Washington. On avait le même âge. C’est lui qui m’a amené au jazz. À l’époque ça ne m’intéressai­t pas. Chaque dimanche après l’église j’allais chez lui. C’est lui qui m’a initié à la musique de Wynton Kelly. Il m’a offert ses disques. Du coup j’ai voulu jouer au piano dans son style. Et créer quelque chose avec ma basse. Je vais peut-être vous surprendre. Mais pour moi, elle a une voix aussi puissante que celle de Janis Joplin. J’adore sa version de Que Sera sur mon album.

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