Bagarre contre la limitation à km/h au Conseil d’Etat
Emmenés par le député de Lozère Pierre Morel-àl’Huissier, 56 parlementaires, dont la député du Var Geneviève Levy, ont saisi la juridiction administrative pour obtenir la suspension de la mesure. Dix-neuf jours après son entrée en vigueur, la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes départementales « dépourvues de séparateur central » fait déjà l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat. La haute juridiction administrative a étudié, hier, la validité de la mesure dans le cadre d’une procédure de référé demandant la suspension du décret signé le 15 juin dernier par Edouard Philippe.
« Une première sous la Ve République »
L’initiative des parlementaires constitue, selon Maître Julien Occhipinti, représentant de l’ensemble des parlementaires contestataires, « une première dans l’histoire de la cinquième République. » Alors que le décret doit être examiné sur le fond dans les mois à venir, les députés opposés à l’abaissement de la limitation de vitesse ont tenté, hier, d’obtenir une suspension de la mesure. Pour cela, ils devaient faire d’une part la preuve de l’urgence à statuer et d’autre part de l’illégalité du décret ministériel. Pour Pierre Morel-àl’Huissier, l’urgence, c’est « celle des automobilistes qui perdent chaque jour des points sur leur permis » en raison de cette mesure. Très remonté, le député lozérien, dont l’ensemble du réseau routier est touché par la mesure, a réfuté la pertinence d’une limitation de vitesse qui pénalise « les Français des campagnes » et dont il a contesté l’impact sur la sécurité routière des usagers. « Il n’existe aucune étude incontestable sur le sujet », a-t-il affirmé, rejoint par Maître Occhipinti, qui a estimé que « le lien de causalité entre la vitesse et l’« accidentalité » (était) particulièrement faible. » Evidemment, le ministère de l’intérieur ne voit pas les choses sous le même angle. Pour ses représentants, il existe au contraire « un fondement scientifique à ce choix », qui établit de manière certaine « un lien entre la vitesse maximale autorisée et le taux d’accidents et de décès constatés sur les routes. » Parmi ces études, une expérimentation menée entre juillet 2015 et juillet 2017 sur 86 kilomètres de route, qui aurait établi une baisse de l’ordre de 4 % de l’accidentalité. Pas de quoi convaincre Pierre Morel-à-l’Huissier, qui s’est ouvertement demandé si Edouard Philippe n’avait pas « cédé à des pressions » là où ses prédécesseurs avaient toujours refusé d’abaisser la vitesse à 80 km/h.
La décision du juge des référés semaine prochaine
Après avoir entendu les parties pendant près d’une heure et demie, le juge des référés du Conseil d’Etat a prolongé l’instruction du dossier jusqu’à ce soir. Le temps pour l’administration de fournir aux requérants les documents sur lesquels s’est appuyé le gouvernement pour prendre sa décision. Un geste qui permettrait de briser « l’omerta administrative » àlaquelle le député de Lozère affirme avoir dû faire face dans son combat. Le juge des référés devrait rendre sa décision en milieu de semaine prochaine.