Var-Matin (Grand Toulon)

Le Cannet (06): «À ce frère, ce fils, qu’on nous a arraché...»

- ALEXANDRE CARIN

Bien sûr, il s’efforce de conserver un sourire bienveilla­nt pour ses clients. Dans ses restaurant­s

le Cabanon à CannesLa Bocca ou L’Aiguille à Théoule-sur-Mer. Évidemment, il continue (peut-être plus que jamais) de se plonger à corps perdu dans le boulot. Aux fourneaux comme aux livraisons Jam de repas à domicile. Mais le coeur de Frédéric VacheriéJa­urgoyhen n’y est pas vraiment. Car ses pensées sont pour son frère, le grand absent… Un vendredi 13 juillet au matin, sur la commune de Paraty au Brésil, des ouvriers ont trouvé la dépouille de Cédric Vacherié, 33 ans, au pied de sa maison en chantier, en partie incendiée. Une balle dans la tête. Exécuté à bout portant. « Avec ma mère, on vit un cauchemar. Que mon frère soit parti, c’est horribleme­nt triste, mais qu’il soit parti comme ça, c’est intolérabl­e », rage Fred, que l’on n’a pas l’habitude de voir sans sa naturelle jovialité. «Je suis peiné, et je sais que je vais être encore très malheureux. Mais là, je suis tellement en colère… » Colère contre des assassins sans visage, « qui lui ont sans doute ôté la vie pour rien ».

Colère contre une enquête bâclée, « qui a fait fi des prélèvemen­ts sur place, et daté le décès à la nuit de jeudi à vendredi, alors que mon frère portait toujours sa chemise du mercredi, avec le même bouton décalé, et seule la pluie du mercredi a pu éteindre l’incendie de sa maison ».

Un destin brisé

Colère contre un destin funeste, au moment même où Cédric, « l’artiste écorché vif » de la famille, semblait trouver enfin sa lumière, au pays

des Cariocas. « Il avait eu le coup de coeur pour le Brésil, depuis qu’il l’avait découvert à 18 ans. Au fil des séjours, il était devenu plus Brésilien que Français. Cédric venait d’obtenir sa carte de résident, et avait acquis 33 ha en forêt, pour le projet de sa vie. ». Terres sauvages à défricher pour la permacultu­re, dans le respect de l’environnem­ent. Centre d’art et de petits logements, pour accueillir tous ses amis et talents. Sa seconde famille. «Mon frère n’avait rien du promoteur immobilier sans scrupule, il n’avait pas de flèche et voulait juste réaliser son rêve. Avec ce projet, c’était la première fois que je le sentais vraiment heureux, souffle encore Frédéric, en refoulant mal son chagrin.

Moi, je ne crois pas au crime homophobe (pourquoi maintenant ?) ni au crime crapuleux (on ne lui a rien volé), ni même à un acte fanatique

lié au Condomblé, cette religion totémique à laquelle il s’intéressai­t. Mais quelque part, il restait un gringo, installé sur un territoire de chasse et de bois… » Cédric, ce frangin que Fred aimait tant « même si nous étions tellement différents»,

soupire le chef-restaurate­ur.

On a grandi ensemble au Cannet, mais nous étions de caractère opposé. Moi, je suis l’aîné cartésien, organisé ; et lui, le cadet un peu déconnecté, qui emmenait chacun dans son univers… ».

Une messe mardi

Ancien apprenti coiffeur dans une école cannoise, Cédric Vacherié était devenu photograph­e, costumier, sculpteur… dans son pays d’adoption, terreau de son épanouisse­ment. « Il était joyeux, tout le monde l’appréciait, souligne sa maman Martine.

À notre tristesse, se mêle

de la haine…». Mardi à 10 h 30, il faudra néanmoins qu’elle s’apaise, à l’heure de la communion organisée en l’église Sainte-Philomène au Cannet. Le corps de Cédric n’est plus que cendres, mais son esprit, lui, sera bien vivant.

 ?? (Photos A.C. et DR) ?? Cédric, tel un Amazonien, s’était fondu dans le décor végétal du Brésil, où il faisait construire sa maison. C’est au pied de celle-ci que son corps a été retrouvé. À Cannes, Frédéric Vacherié, son frère aîné, ne décolère pas.
(Photos A.C. et DR) Cédric, tel un Amazonien, s’était fondu dans le décor végétal du Brésil, où il faisait construire sa maison. C’est au pied de celle-ci que son corps a été retrouvé. À Cannes, Frédéric Vacherié, son frère aîné, ne décolère pas.

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