Thomas résiste à tout
Le Britannique a été attaqué de loin par Landa et Bardet, puis harcelé par Roglic et Dumoulin dans l’Aubisque, mais il n’a quasiment rien lâché. Il est à 31 km du bonheur
L’étape reine du Tour, avec ses deux cols hors-catégorie au menu (Tourmalet, Aubisque), ses 4700 mètres de dénivelé, a tenu ses promesses mais peu importe la tactique employée, le rythme de la course, le nombre d’attaques tentées, la finalité reste la même. Le maillot jaune reste solidement accroché aux épaules de Geraint Thomas. Hier, la grande manoeuvre a été lancée à plus de 100 km de l’arrivée, sur les pentes les plus difficiles du Tourmalet. Dans le costume des audacieux, de sacrés clients. Bardet, revanchard après sa défaillance dans le col du Portet mercredi, mais aussi Landa, Zakarin et Majka. « Avec un col aussi difficile, placé à mi-course, c’était l’occasion de tenter de loin », glissait Romain Bardet, le visage tout aussi pâle, une fois la ligne d’arrivée franchie. « J’ai fait mon maximum, j’ai cru à la victoire, ça n’a pas été loin de réussir. Je ne sais pas ce qu’il aurait fallu faire de plus, on s’est bien battu. Dans le final, j’y croyais, mais ça n’a pas souri. Il ne faut pas que les jambes, il faut aussi la réussite ». La réussite, la Sky l’a toujours avec elle. Dans cette bataille féroce, elle a toutefois lâché la 3e place de Froome sur le podium, dépossédé par Roglic, qui s’est offert l’étape en prime. « Dans la descente, j’ai insisté et quand il y a eu un petit écart, je savais qu’il serait difficile à boucher. J’ai appuyé le plus fort possible, sans penser au podium ». Avec 19 secondes reprises et 10 de bonifications, l’ancien sauteur faisait coup double. Ce qui était loin d’être une tragédie pour la formation de Brailsford, qui a assuré l’essentiel. La troisième place de son ancien leader paraît accessoire en comparaison du maillot jaune du Gallois, qui s’est même permis de grignoter encore 6 secondes sur Dumoulin, en prenant les bonifications de la 2e place sur la ligne. Sûre de sa force collective, la Sky a laissé filer sans jamais paniquer. « La Sky a bien défendu, elle a été habile », a reconnu beau joueur Vincent Lavenu, le manager d’AG2R. Et lorsque Bardet et Landa ont pris plus de 3 minutes d’avance, elle a trouvé un allié de circonstance avec les LottoJumbo, qui défendaient la place de Roglic au général. Dans l’Aubisque, Thomas a démontré qu’il n’avait pas besoin de super coéquipiers. Ses épaules étaient suffisamment larges pour supporter le poids de la course et répondre aux multiples attaques de Dumoulin et Roglic. Dans cette dernière heure de folie, où plus personne ne pensait à se réserver pour le chrono du jour, une logique sportive s’est dégagée et elle est implacable. Les trois hommes forts de cette cuvée 2018 se nomment Thomas, Dumoulin et Roglic. Froome a, une nouvelle fois, montré ses limites. S’il peut encore rêver du podium aujourd’hui, le résidant monégasque le doit pour beaucoup à Bernal, qui l’a ramené dans les derniers kilomètres de l’Aubisque. Mais à voir les traits de son visage aussi marqués, sa silhouette chancelante dans la brume de l’Aubisque, on a du mal à voir comment le quadruple vainqueur de la Grande Boucle pourrait reprendre 13 secondes pour aller chercher le dernier strapontin du podium. Car les deux premières places sont d’ores et déjà inaccessibles. Et certainement figées. Dumoulin a beau être le meilleur rouleur du monde, avec 2’05’’ de retard sur un Thomas qui n’a pas montré le moindre signe de faiblesse depuis 3 semaines, le suspense n’existe déjà plus.