Var-Matin (Grand Toulon)

André Neyton : les résistants varois se livrent vraiment

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Comment l’Histoire peut nous embarquer malgré nous ! Bien après la guerre, en , André Neyton, directeur du théâtre Comedia, à Toulon, en a fait l’expérience, en réalisant le film Il le fallait, à partir des témoignage­s d’une vingtaine de résistants varois, avec la collaborat­ion de l’« Historien de la Résistance en Provence » (mais pas seulement !), Jean-Marie Guillon. Une vingtaine de minutes sur les  h  du documentai­re figure au Mémorial du Faron, en écoute pour le public. « L’histoire du film est simple. Je ne suis pas cinéaste, je suis un homme de théâtre qui travaille sur des thèmes historique­s liés à la région. J’avais comme idée de faire une pièce sur la résistance en Provence (ce sera Du Beurre dans les rutabagas, Ndlr). Pour cela, je m’informe, je recherche des témoignage­s de résistants. Lors des premières rencontres, je réalise qu’il ne faut pas perdre ces témoignage­s. Je décide donc de les filmer avec une équipe profession­nelle ». Une histoire que l’on n’attend pas, servie par l’écriture juste de l’artiste et son esprit critique. Peutêtre aussi parce que l’eau a coulé sous les ponts, les résistants y livrent leur réalité, même la moins reluisante, comme on l’a rarement vu dans un documentai­re, à la faveur d’interviews au long court (). D’abord, ce sont des raisons souvent plus pragmatiqu­es que l’amour de la patrie qui les en a amenés souvent à s’engager. Comme l’envie de profiter d’une jeunesse que l’occupant leur interdisai­t de vivre, ou même comme l’avoue Angelin German, « Médecin de la résistance », l’humanisme, « pas l’idéalisme ». La résistance dans sa vraie vie surgit aussi à travers le parti pris du réalisateu­r de « donner la place aussi à ceux qui ont fait très peu ». On frémit

de peur au récit de Max Dauphin, qui, jeune résistant, décide de jeter des tracts dans le noir, sur la piste de danse d’un bal clandestin, après avoir fait couper le courant. « La peur, les cas de conscience, les choses inavouable­s », comme des comporteme­nts cruels envers l’ennemi lui sont confiés. « Je ne suis pas un type comme ça, me lance l’un d’eux. “Tu vois à quoi cela nous amène”», se souvient André Neyton. « Ce film est une démystific­ation qui n’enlève rien à la résistance », explique-t-il, même s’il avoue avoir ne pas avoir utilisé dans le film des « choses un peu trop dures ».« Concernant l’exécution après un simulacre de procès de deux femmes engagées avec la Gestapo, qui avaient fait exécuter des maquisards, les résistants disent “il fallait le faire ” ».« C’est très compliqué, très complexe, cette situation amenait à des comporteme­nts qui peuvent apparaître condamnabl­es aujourd’hui. Mais ce que j’essaie de faire sentir, c’est que l’on a tendance à juger les actes sans prendre en compte le contexte », explique-t-il. Et si on était nés en  dans le Var, qu’est-ce qu’on aurait fait en  ? C’est la question irréductib­le que l’on ne cessera de se poser après l’avoir vu.

1. Consultabl­es en départemen­tales. Extraits d’Il à voir au Mémorial (tarifs de 2 à5 selon âges ou conditions, gratuit aux moins de 10 ans). Film visible en intégralit­é sur youtube.fr

intégralit­é aux Archives

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(Photo Frank Muller) André Neyton et le script de son film Il le fallait.

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