Var-Matin (Grand Toulon)

Trafiquant ou pigeon ? Un Azuréen arrêté en Colombie

Depuis fin juillet, Franck Orriols, employé municipal à Cagnes, est détenu dans une prison de Bogotá. Des stupéfiant­s étaient cachés dans les bagages qu’il transporta­it. Sa famille crie au complot

- BENOIT GUGLIELMI bguglielmi@nicematin.fr

Franck Orriols a 48 ans. Il vit à Villeneuve-Loubet, travaille à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), où la commune l’emploie comme électricie­n. C’est un garçon « discret et qui n’a jamais posé de problème à personne », racontent ses proches. Un pupille de la Nation, lui dont le père (décédé lorsqu’il était bambin) fut déporté pendant la guerre. Un passionné de trains miniatures, membre d’un club de modélisme à Nice. Depuis près de trois semaines, Franck Orriols dort en prison. À près de 10000 km de ses proches. De sa mère, retraitée à Saint-Laurent-du-Var. Et d’Annie (1), sa compagne depuis presque deux décennies. Fin juillet, l’employé municipal cagnois a été arrêté alors qu’il s’apprêtait à prendre un avion, à Bogotá, en Colombie. Motif ? De la drogue dans les bagages. Laquelle ? En quelle quantité ? Sa famille l’ignore. Après une semaine d’enfermemen­t au sein même de l’aéroport, Franck Orriols a été transféré à la prison centrale de la capitale colombienn­e.

« Je l’ai mis en garde… »

Désemparée par la situation, épuisée par l’attente et le sentiment d’impuissanc­e, Annie raconte comment, en l’espace de quelques semaines, son existence a viré au cauchemar. Comment l’homme qui partage sa vie est tombé dans le panneau. « Avec Franck, nous nous connaisson­s depuis dix-huit ans. C’est un homme peu bavard, secret même. Ce n’est pas quelqu’un qui se livre, ni ne fait confiance aux gens facilement. Ces derniers mois, notre couple allait moins bien et je l’ai trouvé plus distant. J’ai finalement appris qu’il avait rencontré, sur Internet, une jeune femme vivant au Mali. Ils conversaie­nt ensemble depuis l’été 2017, mais ne s’étaient jamais vus. Il n’a pas voulu me donner la moindre explicatio­n… » Tout juste finit-il par admettre, devant l’évidence, qu’il a « prêté » la somme de 2 000 euros à sa correspond­ante. « Lui qui est si près de ses sous d’habitude… Ça m’a étonnée. Je l’ai mis en garde. Mais il ne m’écoutait pas. » Au début de l’été, leurs destins basculent. Un soir qu’elle demande à Franck s’il rentre déjeuner à la maison le lendemain, Annie s’entend répondre qu’il s’envole pour le Mali. Il y est « invité dans le ranch » de sa nouvelle «amie». Sur la suite de ses pérégrinat­ions, la Villeneuvo­ise n’a d’autres explicatio­ns que celles, lapidaires et incomplète­s, fournies par Franck. « À son arrivée, personne n’est venu le chercher à l’aéroport. La jeune femme avec laquelle il conversait lui a expliqué avoir dû partir précipitam­ment au Canada pour des raisons familiales. Il m’expliquait y régler les affaires de son amie avant de rentrer en France avec elle. » Quinze jours (« il allait d’hôtel en hôtel et de ville en ville, me racontait-il ») et un détour au Mozambique plus tard, Franck rentre au bercail. Seul. Un mois s’écoule et, profitant d’une visite d’Annie à sa famille, dans le Sud-Ouest, le voilà secrètemen­t reparti pour le Mali. Avec qui ? Pourquoi ? Toutes ces questions restent sans réponse. Et quand Franck se manifeste à nouveau, il est… en Colombie. Il y reste une semaine, durant laquelle il semble reçu comme un roi: d’après lui, le séjour est tous frais payés. « C’est au moment où il devait rentrer que ses hôtes lui ont commandé un taxi. Dans la voiture, une valise pleine de cadeaux l’attendait. » Sauf qu’à l’aéroport, la valise ne passe pas le contrôle cynophile…

« On l’a pris pour un brave couillon »

Pas un instant, sa famille n’imagine que cet homme simple et sans histoires, qui ne boit ni ne fume, ait pu devenir un narco-trafiquant internatio­nal. « Il a été manipulé du début à la fin, tonne Annie, qui ne doute pas une seconde de son innocence, malgré les zones d’ombre de l’histoire et leurs difficulté­s conjugales. Il s’est fait prendre pour un brave couillon. Toujours trop gentil, toujours trop serviable… » Le lendemain de son interpella­tion, Franck prévient Annie, qui alerte immédiatem­ent les services consulaire­s français. En détention, il reçoit rapidement la visite du consul de France en Colombie. Mais depuis, plus rien. Déboussolé­s, ses proches n’ont pour seul contact avec la Colombie que quelques conversati­ons parcellair­es sur WhatsApp, via un téléphone illégaleme­nt possédé par un codétenu. Ils n’ont pas d’avocat sur place, ne « savent pas comment faire », ni «combien ça coûte ». « On nous balade, on nous réclame de l’argent à droite à gauche, sans savoir vraiment pour quoi faire… » Contactée, la représenta­tion française à Bogotá confirme, sans autre précision(2), que le dossier est bien suivi. Tout juste apprendon qu’une liste d’avocats colombiens ayant la confiance des services diplomatiq­ues a été communiqué­e à Franck. Comment va-t-il, après presque trois semaines de détention dans des conditions alarmantes ? « Il pleure. Il pleure parce qu’il est seul. Et qu’il en a pour un bon moment… Moi ? Je garde espoir. Parce que je suis certaine de son innocence. Mais je sais, aussi, que ça ne fait que commencer… »

 ?? (Photo DR) ?? Un homme simple, sans histoires, loué par ceux qui le côtoient, peut-il devenir en l’espace de quelques semaines un narco-trafiquant internatio­nal ? Sa famille n’y croit pas un seul instant.
(Photo DR) Un homme simple, sans histoires, loué par ceux qui le côtoient, peut-il devenir en l’espace de quelques semaines un narco-trafiquant internatio­nal ? Sa famille n’y croit pas un seul instant.

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