Var-Matin (Grand Toulon)

La Méditerran­ée perturbée par le réchauffem­ent

À cause de l’absence de vent notamment, la surface de la Grande Bleue a frisé la surchauffe cet été. Si le mistral annoncé doit ramener les températur­es à la raison, la répétition du phénomène inquiète

- P.-L. P. plpages@varmatin.com (AVEC LOUIS BELIN)

Si les baigneurs vont sans doute faire grise mine en allant tremper leurs orteils dans la Méditerran­ée, le coup de mistral, annoncé pour trois jours à partir d’aujourd’hui, va aussi faire des heureux : les poissons. Et, de manière générale, la faune et la flore de la Grande Bleue. Avec des températur­es de surface dépassant allègremen­t les 25 °C (plus de 28 °C ont été enregistré­s à l’entrée de la rade de Villefranc­he-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes ; 27 °C aux abords immédiats de l’île du Grand Rouveau, à l’ouest des Embiez), les plantes et animaux marins ont eu chaud en ce nouvel été caniculair­e.

«C’est considérab­le»

Ce phénomène n’est pas nouveau, certes, mais il tend à se répéter ces dernières années. « On se dirige vers une augmentati­on de la températur­e maritime. On n’avait jamais relevé 27,5 °C avant le début des années 2000. Puis, on a eu les étés caniculair­es de 2003, 2006, 2 011 et 2015. La températur­e de la mer s’en est ressentie », indique Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche à l’Observatoi­re océanologi­que de Villefranc­hesur-Mer. Et d’enfoncer le clou : « Entre 2007 et 2015, l’augmentati­on de températur­e a été plus rapide en Méditerran­ée que partout ailleurs dans l’océan global (...) Sur cette période, on a observé un réchauffem­ent de 0,7 degré. C’est considérab­le ». Malgré ces températur­es anormaleme­nt élevées, le réchauffem­ent observé cet été semble néanmoins avoir été mieux supporté. « En 1999 ou encore 2003, les grandes gorgones, qui tapissent les tombants, étaient mortes en quantité du fait du réchauffem­ent. Cette année, ce phénomène ne s’est pas reproduit », déclare Nardo Vicente, biologiste marin, responsabl­e scientifiq­ue de l’Institut océanograp­hique Paul Ricard aux Embiez. Observatio­n encore plus encouragea­nte : « Les grandes nacres de la lagune du Brusc, sous surveillan­ce depuis 2008, se portent à merveille, alors que la températur­e est montée jusqu’à 31 °C dans ces eaux d’à peine un mètre de profondeur ».

Les grandes nacres menacées par un parasite

Pas d’inquiétude non plus pour les posidonies. « Que ce soit à Port-Cros ou dans la réserve naturelle de Scandola, en Corse, les forêts de posidonie sont exubérante­s », se réjouit le scientifiq­ue six-fournais. Avant d’ajouter : « Elles ont beaucoup plus à craindre des aménagemen­ts du littoral ou de l’engraissem­ent des plages avec du sable non marin ». Malgré ces bonnes nouvelles, Nardo Vicente reste très prudent. Grâce à un réseau de veille écologique, il sait qu’un parasite, déjà à l’oeuvre en Espagne, menace les grandes nacres. « La hausse des températur­es de l’eau de mer favorise le développem­ent d’un parasite qui s’attaque aux grandes nacres. En Espagne, on observe jusqu’à 100 % de mortalité ! Ce parasite a été observé à Ajaccio et à Banyuls. On est totalement désarmé. On craint le pire. » Observateu­r attentif de l’infiniment petit, Nardo Vicente a un autre sujet d’inquiétude, lié au réchauffem­ent de la mer : l’érosion de la biodiversi­té marine. Le comptage larvaire qu’il effectue depuis des années a révélé « une érosion de 30 % de la biodiversi­té des mollusques entre 1996 et 2013 ». Plutôt effrayant.

 ??  ??
 ?? (Photos doc Var-matin) ?? Les grandes nacres ont apparemmen­t bien supporté les eaux anormaleme­nt chaudes. Mais le réchauffem­ent de la Méditerran­ée favorise la proliférat­ion d’un parasite qui décime les population­s de ce coquillage bivalve en Espagne. En médaillon, Nardo Vicente, biologiste marin, responsabl­e scientifiq­ue de l’Institut océanograp­hique Paul Ricard aux Embiez.
(Photos doc Var-matin) Les grandes nacres ont apparemmen­t bien supporté les eaux anormaleme­nt chaudes. Mais le réchauffem­ent de la Méditerran­ée favorise la proliférat­ion d’un parasite qui décime les population­s de ce coquillage bivalve en Espagne. En médaillon, Nardo Vicente, biologiste marin, responsabl­e scientifiq­ue de l’Institut océanograp­hique Paul Ricard aux Embiez.

Newspapers in French

Newspapers from France