A-t-il raison de démissionner ?
« Je ne veux plus me mentir », a affirmé, hier matin, le ministre de la Transition écologique. Une décision qui a surpris l’exécutif. Le gouvernement en profitera-t-il pour infléchir sa politique ?
Faute d’avancées environnementales suffisantes à ses yeux, l’imprévisible Nicolas Hulot quitte son poste de ministre de la Transition écologique après un peu plus d’un an, une annonce surprise qui porte un coup au gouvernement. « Je prends la décision de quitter le
gouvernement », a déclaré, hier matin, Nicolas Hulot en direct sur France Inter, se sentant « tout seul
à la manoeuvre » sur les enjeux environnementaux au sein du gouvernement. « Nous faisons des petits pas, et la France en fait beaucoup plus que d’autres pays, mais est-ce que les petits pas suffisent... la réponse, elle est non », a-t-il considéré, prenant de court ses intervieweurs et avec eux toute la classe politique.
« Caution verte »
Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé qu’il ferait « dans
les jours qui viennent » des propositions à Emmanuel Macron sur le remaniement du gouvernement qui perd un de ses ministres les plus populaires. Parti pour un déplacement au Danemark puis en Finlande, le chef de l’Etat ne reviendra
que demain en France. Pratiquement dès sa nomination, des écologistes doutaient de sa marge de manoeuvre et craignaient que celui qui avait dit non à tous les prédécesseurs d’Emmanuel Macron
ne soit qu’une « caution verte » du gouvernement.
« Je me surprends tous les jours à me résigner, à m’accommoder de petits pas », a noté l’ex-présentateur d’Ushuaïa, espérant que sa démission provoquerait un « sursaut ». Nicolas Hulot qui a maintes fois rejeté les rumeurs d’une possible démission, a précisé qu’il n’avait prévenu ni le Président ni le Premier ministre, par crainte qu’ils ne le dissuadent « une fois encore ». Ils « ont été pendant 14 mois à mon égard d’une affection, d’une loyauté et d’une fidélité à toute épreuve », a confié le ministre. « Mais malgré cela, le gouvernement n’a pas su donner la priorité aux enjeux environnementaux », a-t-il estimé. En effet, lundi, l’Elysée a annoncé la baisse du prix du permis de chasse de 400 à 200 € par an, à l’issue d’une réunion à haut niveau qui a joué un rôle dans sa décision.
La fin d’une «illusion»
La présence du conseiller politique de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) Thierry Coste, un
« lobbyiste » qui « n’avait rien à faire là », a « achevé de me convaincre que ça ne fonctionne pas comme ça devrait fonctionner », a lancé le ministre démissionnaire, y voyant le symptôme « de la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir ». Des déclarations rejetées comme « un beau prétexte » par Thierry Coste. Chez les défenseurs de l’environnement qui s’interrogent sur la capacité d’un autre à faire mieux que Nicolas Hulot, l’humeur était morose. Greenpeace a dénoncé un
« gâchis », tandis que le président de la Ligue de Protection des oiseaux (LPO) Allain BougrainDubourg se sentait « orphelin ». Côté politique, la majorité a défendu son bilan, même si le patron de la République en Marche Christophe Castaner a critiqué à demimot le ministre démissionnaire, affirmant que les effets de la politique « n’étaient pas toujours immédiats ».
Dans l’opposition, responsables de droite comme de gauche ont estimé que ce départ marquait la fin d’une « illusion » sur l’écologie. « Il refuse de servir de caution et il a raison », a souligné l’eurodéputé EELV Yannick Jadot, tandis que le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon qualifiait ce départ de « vote de censure contre Macron ». « Nommer des ministres pour faire de la communication n’est pas la meilleure idée », a commenté de son côté le président du groupe Les Républicains au Sénat Bruno Retailleau.