Monaco : une Niçoise au volant avec , g d’alcool
De mémoire de magistrat, et aussi loin qu’on se souvienne, jamais une personne, en état d’ivresse au volant, n’était venue de son propre chef se livrer aux policiers… C’est le constat dressé par le tribunal correctionnel de Monaco, lundi, au cours de l’audience de flagrance. Vendredi dernier, vers 18 h 35, une restauratrice niçoise arrête son véhicule devant deux agents en faction sur le boulevard du Jardin-Exotique. La conductrice, désorientée, leur demande de l’aide, car elle ne se sent pas bien et craint d’avoir un accident. Les agents remarquent un fort état d’ébriété. Mais impossible de mesurer son alcoolémie. Cette dame, asthmatique, n’arrive pas à souffler dans l’éthylomètre. Au CHPG (centre hospitalier Princesse-Grace), où elle sera transportée, son prélèvement sanguin affiche une alcoolémie de 2,92 g.
« Quel danger potentiel ! »
Devant les juges, la prévenue, sans emploi depuis huit mois, ploie sous les humiliations : la garde à vue, l’incarcération, la comparution menottée… et une rupture amoureuse. Son petit ami lui a fait cette annonce le vendredi matin, à Beaulieu (Alpes-Maritimes). Effondrée, la dame décide de se noyer dans l’alcool. Désespérée, ne cherchait-elle pas éventuellement à se supprimer, comme le soulignera son avocat dans sa plaidoirie ? La déduction est possible, après deux bouteilles de rosé et un demilitre de pastis pur consommés dans sa voiture. « Presque 3 grammes, c’est un taux considérable, rappelle, effrayé, le président Jérôme Fougeras-Lavergnolle. Il ne faut pas vous mettre dans un tel état pour une séparation amoureuse. À quel point vous étiez un danger potentiel ! Et vous arriviez encore à conduire. Avezvous l’habitude de boire ? » Avec précision, audace et honnêteté, la détenue répond : « Je ne bois pas régulièrement et je n’ai jamais été condamnée. Je suis désolée. Stupide, inconsciente, j’ai disjoncté après notre dispute parce que cet homme avait rencontré une autre personne. Je m’excuse… » Et d’ajouter, les yeux rougis : « Laissez-moi rentrer chez moi, je vous en supplie. Je ne perçois ni salaire ni subvention. Ce sont mes parents qui m’aident financièrement. J’ai ma mère malade… » Dans les réquisitions du premier substitut Cyrielle Colle, on perçoit la compréhension envers une prévenue, affaiblie moralement à la suite de cet échec inattendu. « Pareil taux mérite une condamnation de quinze jours à un mois ferme. C’est un miracle que son trajet se soit terminé sans accident. Après avoir autant bu autant de vin et d’alcool fort, il fallait se reposer. Certes, elle s’est volontairement arrêtée pour demander de l’aide. Mais vous devez envoyer un message fort, avec une peine de quatre à cinq mois assortie du sursis, afin que Madame retourne chez elle pour assister ses parents. » Avec beaucoup d’émotion, Me Thomas Brezzo soulignera au mieux la ruine des émois amoureux de sa cliente et leur navrant épilogue. « Cette femme a voulu noyer ses blessures d’amour-propre dans l’enfer de l’alcool. On peut se poser la question : n’a-t-elle pas tenté de mettre fin à ses jours après une déchirure affective d’une insupportable honte ? Elle a pris conscience du danger qu’elle représentait et cherche à exploiter un nouveau fonds de commerce. Après trois jours de détention, elle a droit à des circonstances atténuantes… » Le tribunal a suivi les réquisitions du ministère public.