À Aix, les cloches tonnent à nouveau
Privée de trois de ses cloches, fondues en canons par les troupes de Bonaparte lors du siège de Toulon, l’église Saint-Jean-de-Malte a retrouvé son carillon après plus de deux cents ans
Àcontre-courant ! Alors que plus personne ne semble supporter le moindre bruit – on a même vu cet été des touristes oser se plaindre du chant des cigales (lire nos éditions du 22 août) – l’église Saint-Jean-deMalte, pourtant située en plein coeur historique d’Aixen-Provence, fait… un « boucan » de tous les diables depuis le printemps dernier ! Apparemment pour le plus grand plaisir des riverains. Au premier rang desquels Jean-Claude Reviron, le président de l’association des Amis de Saint-Jean-de-Malte.
Réquisition sous Bonaparte
Sans l’action de cette association, soutenue par les fabricants de calissons d’Aix, l’église Saint-Jean-de-Malte serait sans doute encore restée longtemps discrète, sinon « aphone ». La faute aux troupes de Bonaparte ! En 1793, lors du siège de Toulon, l’ambitieux commandant d’artillerie, pas encore empereur, n’avait pas hésité en effet à réquisitionner les cloches de toute la région pour les transformer en canons. Saint-Jean-de-Malte n’avait pas échappé à cette chasse au métal. Et de son carillon, seule avait survécu une cloche de 1670. « En général, on laissait une cloche par église pour pouvoir sonner le tocsin », raconte Jean-Claude Reviron. Deux cent vingt-cinq ans après cette page d’histoire, l’église aixoise a donc retrouvé son carillon. Mais si, le 5 mars dernier, l’installation de trois cloches flambant neuves, à l’aide d’une grue de 40 tonnes, n’est pas passée inaperçue dans les ruelles d’Aix-en-Provence, le sel de l’histoire est ailleurs.
Du métal en provenance de Toulon
C’est que les trois cloches, oeuvres de la très réputée fonderie Paccard à Annecy (Haute-Savoie), ont été fabriquées à partir de… canons du XVIIIe siècle récupérés sur la base navale de Toulon. Enfin presque. Le souhait des Amis de SaintJean-de-Malte et des fabricants de calissons d’Aix n’a pas pu être pleinement satisfait. « Pour couler les cloches, la fonderie Paccard est très attachée à ses secrets de fabrication et elle n’a pas souhaité utiliser une trop grosse quantité de métal issu de vieux canons, de peur de bouleverser les proportions de l’alliage », explique Jean-Claude Reviron. Symboliquement, ce dernier, accompagné du frère Daniel en charge de la paroisse, était quand même venu chercher un bout de canon à Toulon, en juin 2013. Avant d’aller le jeter dans le métal en fusion à la fonderie Paccard. Inaugurées officiellement le 24 juin dernier, ces nouvelles cloches, « presque » toulonnaises, donneront une audience particulière, dimanche 2 septembre, à la 23e bénédiction des calissons. L’église Saint-Jean-de-Malte est située à l’angle de la rue d’Italie et de la rue Cardinale, à Aixen-Provence.