Var-Matin (Grand Toulon)

Ils ont choisi d’instruire leur fille à la maison

Contrairem­ent à une idée reçue, la scolarisat­ion n’est pas obligatoir­e à 6 ans. Seulement l’instructio­n. Des familles décident de s’en charger à domicile. Nous avons rencontré l’une d’elles

- VIRGINIE RABISSE vrabisse@varmatin.com

Appelez-les «non-sco». Certes, ils ne sont pas légion, mais, de plus en plus, ils constituen­t une tribu. Une tribu rassemblée sous la bannière « Instructio­n en famille ». Autrement dit, alors qu’hier des milliers d’élèves retrouvaie­nt les bancs des écoles de la métropole, une poignée d’enfants, pourtant en âge d’être scolarisés, n’ont pas eu droit à l’inénarrabl­e tableau noir. Parmi eux, la petite Luce, 3 ans aujourd’hui même. Ses parents, Guillaume Hemery et Élodie Martin-Kobierzyki, ont en effet fait le choix de ne l’inscrire ni dans l’une des écoles communales d’Ollioules, où réside la famille, ni dans un institut privé. Tout juste la fillette at-elle passé la matinée d’hier à L’Arbre de vie, l’école Montessori de La Valette, comme elle le fera dorénavant deux fois par semaine. «Pour la socialisat­ion », précise son papa. Si Élodie n’était pas réfractair­e à ce que Luce aille à l’école républicai­ne, l’expérience de Guillaume avec l’institutio­n, d’abord en tant qu’élève, puis en tant qu’enseignant ou assimilé – technicien informatiq­ue, il a eu l’occasion d’effectuer des remplaceme­nts en cours de technologi­e –, lui a en revanche laissé de mauvais souvenirs.

Question de cadre

Surtout, les deux parents, au moment de pré-inscrire leur fille n’ont pas pu rencontrer celui ou celle qui aurait été son enseignant(e). Ils sont tout de même parvenus à joindre la directrice et ce qu’elle leur a dit ne les a pas convaincus. « Des classes à vingt-neuf ou trente élèves, pas une Atsem (agent territoria­l spécialisé des écoles maternelle­s, Ndlr) par classe mais plutôt pour trois…, énumère Guillaume. Bref, le cadre proposé ne nous a pas convenu. » Ils ne jettent pas pour autant la pierre aux enseignant­s ou aux chefs d’établissem­ents : « On ne leur donne juste pas les moyens. » Sans compter ce que le papa estime des incohérenc­es dans l’éducation classique : « Lorsqu’on aide un camarade à l’école, on triche ; dans la vie profession­nelle, c’est au contraire recommandé. » Ouverts au changement, ils ont vite été convaincus de faire autrement. Ils disent cependant s’être beaucoup renseignés, notamment sur Internet. C’est là qu’ils se sont rendu compte qu’en faisant le choix d’instruire Luce à la maison, ils ne seraient pas isolés. «On a découvert le groupe Instructio­n en famille du Var, souligne Élodie. C’est un mouvement sous-jacent qui prend de l’ampleur. »

Conditions sine qua non

Et puis, depuis la naissance de leur fille, les Hemery-Martin ont déjà l’habitude de l’instruire. Ils font non seulement en sorte qu’elle ait des activités – dès 7 mois, Luce était inscrite aux bébés nageurs –, mais aussi s’attachent à ce qu’elle fasse sans cesse des découverte­s : « Ily a dix jours, par exemple, nous l’avons amenée à Arlelate (les journées romaine d’Arles, Ndlr).» Guillaume s’est même formé aux méthodes Montessori pour les 0-3 ans, afin de l’accompagne­r. Dans la maison qui domine la rade, tout est ainsi en place depuis longtemps: le miroir d’éveil, le petit atelier, la bibliothèq­ue accessible. Bien sûr, le couple a conscience d’avoir les conditions adéquates pour faire ce choix. Guillaume, désormais reconverti en coach profession­nel, et Élodie, docteur en archéologi­e et menant des interventi­ons de médiation culturelle, sont tous deux à leur compte. Aidés de leurs voisins, les parents de Guillaume, ils peuvent plus facilement garder Luce à la maison. Ils comprennen­t ainsi que tout le monde, même en le voulant, ne peut prendre la même décision. Dans le sens inverse, en revanche, la compréhens­ion, n’est pas toujours évidente. «Une de mes tantes est enseignant­e: on n’aborde plus ce sujet!» La gêne a même parfois été jusqu’à la brouille avec une amie. «Lorsqu’on explique notre choix, les gens se sentent critiqués dans la leur. Finalement, c’est un choix assez clivant. » La rançon des pas de côté.

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(Photos V. R.) Élodie et Guillaume ont fait le choix de ne pas scolariser leur fille. Grâce à leur instructio­n, la petite maîtrise déjà, assurent-ils, tous les acquis prévus en petite section.
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La petite Luce connaît déjà bien les outils de la méthode Montessori.

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