Ils ont choisi d’instruire leur fille à la maison
Contrairement à une idée reçue, la scolarisation n’est pas obligatoire à 6 ans. Seulement l’instruction. Des familles décident de s’en charger à domicile. Nous avons rencontré l’une d’elles
Appelez-les «non-sco». Certes, ils ne sont pas légion, mais, de plus en plus, ils constituent une tribu. Une tribu rassemblée sous la bannière « Instruction en famille ». Autrement dit, alors qu’hier des milliers d’élèves retrouvaient les bancs des écoles de la métropole, une poignée d’enfants, pourtant en âge d’être scolarisés, n’ont pas eu droit à l’inénarrable tableau noir. Parmi eux, la petite Luce, 3 ans aujourd’hui même. Ses parents, Guillaume Hemery et Élodie Martin-Kobierzyki, ont en effet fait le choix de ne l’inscrire ni dans l’une des écoles communales d’Ollioules, où réside la famille, ni dans un institut privé. Tout juste la fillette at-elle passé la matinée d’hier à L’Arbre de vie, l’école Montessori de La Valette, comme elle le fera dorénavant deux fois par semaine. «Pour la socialisation », précise son papa. Si Élodie n’était pas réfractaire à ce que Luce aille à l’école républicaine, l’expérience de Guillaume avec l’institution, d’abord en tant qu’élève, puis en tant qu’enseignant ou assimilé – technicien informatique, il a eu l’occasion d’effectuer des remplacements en cours de technologie –, lui a en revanche laissé de mauvais souvenirs.
Question de cadre
Surtout, les deux parents, au moment de pré-inscrire leur fille n’ont pas pu rencontrer celui ou celle qui aurait été son enseignant(e). Ils sont tout de même parvenus à joindre la directrice et ce qu’elle leur a dit ne les a pas convaincus. « Des classes à vingt-neuf ou trente élèves, pas une Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles, Ndlr) par classe mais plutôt pour trois…, énumère Guillaume. Bref, le cadre proposé ne nous a pas convenu. » Ils ne jettent pas pour autant la pierre aux enseignants ou aux chefs d’établissements : « On ne leur donne juste pas les moyens. » Sans compter ce que le papa estime des incohérences dans l’éducation classique : « Lorsqu’on aide un camarade à l’école, on triche ; dans la vie professionnelle, c’est au contraire recommandé. » Ouverts au changement, ils ont vite été convaincus de faire autrement. Ils disent cependant s’être beaucoup renseignés, notamment sur Internet. C’est là qu’ils se sont rendu compte qu’en faisant le choix d’instruire Luce à la maison, ils ne seraient pas isolés. «On a découvert le groupe Instruction en famille du Var, souligne Élodie. C’est un mouvement sous-jacent qui prend de l’ampleur. »
Conditions sine qua non
Et puis, depuis la naissance de leur fille, les Hemery-Martin ont déjà l’habitude de l’instruire. Ils font non seulement en sorte qu’elle ait des activités – dès 7 mois, Luce était inscrite aux bébés nageurs –, mais aussi s’attachent à ce qu’elle fasse sans cesse des découvertes : « Ily a dix jours, par exemple, nous l’avons amenée à Arlelate (les journées romaine d’Arles, Ndlr).» Guillaume s’est même formé aux méthodes Montessori pour les 0-3 ans, afin de l’accompagner. Dans la maison qui domine la rade, tout est ainsi en place depuis longtemps: le miroir d’éveil, le petit atelier, la bibliothèque accessible. Bien sûr, le couple a conscience d’avoir les conditions adéquates pour faire ce choix. Guillaume, désormais reconverti en coach professionnel, et Élodie, docteur en archéologie et menant des interventions de médiation culturelle, sont tous deux à leur compte. Aidés de leurs voisins, les parents de Guillaume, ils peuvent plus facilement garder Luce à la maison. Ils comprennent ainsi que tout le monde, même en le voulant, ne peut prendre la même décision. Dans le sens inverse, en revanche, la compréhension, n’est pas toujours évidente. «Une de mes tantes est enseignante: on n’aborde plus ce sujet!» La gêne a même parfois été jusqu’à la brouille avec une amie. «Lorsqu’on explique notre choix, les gens se sentent critiqués dans la leur. Finalement, c’est un choix assez clivant. » La rançon des pas de côté.