ANS APRÈS, LA VÉRITÉ SUR LE CRASH?
Nice commémore aujourd’hui le 50e anniversaire du crash qui fit 95 morts, au large d’Antibes, le 11 septembre 1968. Les familles de victimes espèrent toujours la levée du secret-défense
Un tir de missile accidentel depuis l’île varoise du Levant est-il à l’origine du crash de la caravelle, le septembre , entre Ajaccio et Nice ? C’est ce que pourrait permettre de découvrir (ou de réfuter) la levée du secret défense, réclamée par des familles de victimes.
On va se crasher si ça continue... » 11 septembre 1968. À 10 h 33, les paroles du commandant de bord résonnent pour la dernière fois. Quelques instants plus tard, la caravelle AjaccioNice d’Air France s’abîme au large du cap d’Antibes. Bilan tragique : 95 morts. Aucun survivant parmi les 6 membres d’équipage et 89 passagers. Dont 13 enfants. « On va se crasher… » Un demi-siècle plus tard, ce funeste présage continue de hanter les familles de victimes. Alors que Nice célèbre ce triste 50e anniversaire ce lundi, nombre de proches n’ont jamais accepté l’explication officielle.
Tir de missile acccidentel depuis l’île du Levant ?
Le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) a conclu à un incendie survenu à l’arrière de la cabine. Un défaut technique ou un mégot de cigarette serait à l’origine du drame. Mais depuis cinquante ans, de multiples témoignages et éléments troublants sont venus étayer une autre hypothèse: un missile nonarmé aurait percuté un réacteur de l’appareil. Le vol 1611 d’Air France aurait été victime d’un tir accidentel, lors de manoeuvres militaires depuis l’île du Levant. Des commémorations sont organisées aujourd’hui à Nice, demain à Ajaccio. Mais le doux consensus n’y aura pas sa place. «Ilyenarasle-bol. On est au bout du rouleau ! », s’emporte Mathieu Paoli, président de l’Association des familles de victimes du crash de la caravelle Ajaccio-Nice (une quarantaine de membres revendiqués). Orphelin depuis le crash, il plaide pour la levée du secret défense, dans l’enquête pour dissimulation et recel de preuves instruite à Nice.
«Proche du but»
Le juge instructeur Alain Chemama en a adressé la demande à Edouard Philippe au printemps dernier. Selon nos informations, le Premier ministre a bien accusé réception... Mais répliqué qu’il devait saisir directement le ministère des Armées. Depuis, les services de Florence Parly seraient à la recherche des documents susceptibles d’éclairer l’affaire. «On n’a jamais été aussi proche du but, confie Mathieu Paoli, entre impatience et révolte. C’est un secret d’État. Les gouvernements nous mentent depuis cinquante ans ! À présent, ils doivent déclassifier les documents.» L’oeuvre du temps n’y a rien fait. Un demi-siècle plus tard, Mathieu et Louis Paoli n’ont jamais fait le deuil de leurs parents. Ils mènent depuis de longues années un combat pour la vérité. Le combat d’une vie. Pour eux et pour les autres. «Ceux qui ont perdu leurs enfants dans le crash sont morts depuis longtemps, soupire Mathieu Paoli. Aujourd’hui, ce sont les enfants, frères et soeurs qui poursuivent ce combat. Le deuil n’est toujours pas fait. Il ne le sera que le jour où on saura ce qui s’est passé. »
« Scandaleuse injustice »
Pour en arriver là, les frères Paoli et leurs avocats, Mes Paul Sollacaro et Stéphane Nesa, ont dû franchir bien des montagnes judiciaires. Leur convocation par le doyen Chemama en 2015 – une première dans cette affaire – a ravivé leurs espoirs. Tout comme l’enquête menée avec opiniâtreté par les gendarmes de la brigade de recherches de Nice. Mais ces derniers mois, ils ressentent comme une douche froide les atermoiements de l’État face à la levée, ou non, du secret défense. «Il n’y aura jamais de découragement. Tant que nous vivrons, nous ne lâcherons rien jusqu’à la vérité », tonne Mathieu Paoli. Son frère Louis dénonce une « scandaleuse injustice ». Il fustige «cinquante ans de silence, de mensonges, de malheur, de souffrance et d’humiliation. On est sûr que c’est un missile, pas un accident banal ! Il y a eu une bavure : qu’ils le reconnaissent. On ne veut pas d’argent. Juste une reconnaissance morale. Ça fait cinquante ans qu’on le crie haut et fort : on va y arriver. J’en ai la conviction. »