Var-Matin (Grand Toulon)

Le parcours immobile d’une famille mal logée

Domiciliée à Toulon, la famille de Gulden et d’Alpaslan se débat dans un logement inadapté avec cinq enfants dont l’aîné a un handicap lourd. Il y a toujours des marches en trop à franchir

- SO. B. sbonnin@varmatin.com

C’est dans le salon que la famille se réunit. Là qu’elle mange, même s’il n’y a plus de table depuis longtemps. Par manque de place. Là que les enfants jouent, font leurs devoirs. Là que Mervan dort aussi, sur le sofa – le frère aîné dont le corps est rivé au fauteuil électrique. L’appareil ne peut rouler dans aucune autre pièce. Ni chambre, ni salle de bains, ni toilettes. Les portes sont trop étroites, les pièces trop petites. Pour le moindre geste normal d’hygiène, il faut que les deux parents portent leur grand enfant, comme ils le peuvent. Soixantetr­ois kilos à bout de bras. Aller aux toilettes ou être lavé n’a plus rien de quotidien. Alors Mervan, 17 ans, parfaiteme­nt lucide, intelligen­t, est obligé de porter des couches et doit se contenter d’un bain par semaine.

À bout de force

La famille affiche un sourire mais elle est à bout. Au bout de ses forces pour rester digne. Ainsi va la vie de ces Kurdes de Turquie, depuis bientôt dix ans en France. Les autres enfants du couple ont 3 ans, 7 ans, 9 ans et 12 ans. Les plus grands sont « brillants à l’école avec fierté. Lui Alpaslan, professeur de », soufflet-on littératur­e dans son pays avait obtenu un poste de l’État turc pour enseigner en France. Se décrivant socialiste et kurde dans une nation de plus en plus hostile, il n’est jamais rentré au pays, à la fin de ses années d’enseigneme­nt. Depuis, il a travaillé dans un autre secteur – le bâtiment. « C’est tout ce qu’on trouve », dit-il presque en s’excusant. Mais la présence qu’il doit assurer auprès de son fils annihile ses de naissance, totalement invalidant­e. « Pour Mervan, on a fait comme une guerre, explique Gulden, sa mère. C’est notre premier enfant. On a fait tout pour lui .» Mais l’épuisement est patent. Dans un logement accessible et plus grand, il sera possible d’installer un lève-personne qui permettra de déplacer Mervan. Aux toilettes, à la salle de bain. Le minimum vital.

Entassés dans  m²

Dans une chambre dorment trois enfants ; un matelas par terre occupe la place disponible au pied d’un lit superposé. Dans l’autre chambre, le lit des parents jouxte celui de la plus petite des filles. Il faut se partager les 58m² de ce logement loué à un privé. 58m² pour sept personnes dont un large fauteuil roulant. La porte-fenêtre du salon est à moitié béante sur le balcon. «C’est en tournant avec le fauteuil que la vitre s’est cassé.» Ne pas se briser, ne pas s’effondrer, c’est leur lutte. « On cherche un logement dans un rayon de 25 km autour d’Hyères, pour Mervan. C’est dur. » Les yeux s’embuent, devant le gros dossier des demandes de logement social (lire ci-contre). « C’est très dur», abonde le grand garçon, d’une voix gutturale. Ses bras sont secoués de contractio­ns, que sa mère vient calmer en apposant ses mains. Les petits sourient, curieux et attentifs. « On n’en peut plus d’attendre ».

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(Photo Valérie Le Parc) Le salon de la famille, seule pièce à laquelle le fauteuil électrique peut accéder. La famille affiche un sourire, mais est à bout. Le logement exigu impose des conditions de vie indignes, vu les circonstan­ces.

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