Un nouveau président pour défendre les vins de Provence
Interview Successeur d’Alain Baccino à la tête du Conseil interprofessionnel des Vins de Provence, Jean-Jacques Bréban entend bien « renouer le dialogue » et tracer la route
Elu président du Conseil interprofessionnel des Vins de Provence (CIVP) en juillet dernier pour succéder à Alain Baccino, Jean-Jacques Bréban, P.d-g. des Vins Bréban, vient de fêter les soixante-dix ans de sa société familiale de négoce basée à Brignoles. Aussi conseiller territorial de la Chambre de commerce et d’industrie du Var auprès de l’antenne Provence Verte et Coeur du Var et vice-président de l’Union patronale du Var, il évoque l’avenir des vins rosés de Provence, leurs difficultés et leurs enjeux.
Quelles directions comptez-vous faire prendre au CIVP ? Le CIVP est un outil formidable. C’est le seul lieu où la profession se parle. L’intérêt est de pouvoir dire « nous », c’est ça l’évolution du marché, on le voit bien lorsqu’on va aux États-Unis. Nous sommes en contact direct avec les consommateurs. Il faudra renouer ce dialogue qui s’est un peu perdu. Car attention, ça ne va pas durer le rosé, c’est un vin festif, il n’y aura pas de retour au rouge, on ne peut pas courir plusieurs lièvres à la fois. Aujourd’hui, nous avons une pépite, le rosé, il faut être les leaders, les meilleurs, et tout le monde gagnera sa vie.
Les vins de Provence ont su ouvrir des marchés comme aux États-Unis, mais il faut conserver ce leadership dites-vous… Il faut conforter notre position sur les marchés car il y a d’autres concurrents étrangers et continuer à porter nos valeurs, défendre la Provence. Ce n’est pas seulement un lieu de villégiature, il y a hectares de vigne en production, c’est un patrimoine important. Aujourd’hui, face à l’arrivée des grands groupes, il faut être vigilants. Nous, c’est notre métier. Il ne faudrait pas que des gens arrivent et chamboulent tout. Aujourd’hui, nos vins sont en progression à l’international, surtout aux États-Unis et au Brésil, mais c’est ça qui est dangereux. Il faut miser sur notre identité, notre art de vivre, notre savoir-faire. Le rosé de Provence n’est pas celui du Languedoc. Il y a une vraie reconnaissance du produit.
Vous évoquez la pression foncière et la difficulté de préserver les terres viticoles… Aujourd’hui, il faut être très accrocheur pour résister lorsqu’on vous met un chèque sur la table. Les grandes entreprises rachètent les petites, on parle d’environ euros l’hectare par ici. Dès qu’il y a un vignoble, on y construit un lotissement. C’est le drame de la succession des viticulteurs qui, soit vendent à un autre producteur, soit à la mairie. Aujourd’hui, si on vend bien nos rosés, il faut continuer d’alimenter le marché car si on ne peut plus, ce sera la catastrophe. Je ne dis pas qu’il faut planter. Les surfaces aujourd’hui n’ont pas augmenté, il y a eu des renouvellements mais pas de grandes plantations. Il faut déjà avoir des vignes qui font le rendement de l’appellation et entretenir les vignobles.
La transition écologique est aussi un axe fort selon vous… Le problème environnemental est fondamental. Il faut anticiper. Je regrette que le monde agricole n’ait pas anticipé ce problème de glyphosate. Notre vignoble a été l’un des premiers à s’engager dans cette transition. Il est cité en exemple pour ce qui est du taux de conversion à la viticulture biologique. Je ne conçois pas qu’on ne puisse pas apporter une sécurité complète aux consommateurs. Nous sommes une région bénie des dieux car il faut du soleil pour faire du vin, mais il faut amener les gens à se raisonner. Le bio, c’est plus de travail mais c’est l’avenir dans l’esprit des nouvelles générations. Le fruit le plus pesticide aujourd’hui ce n’est pas le raisin, mais la pomme. Il faut avoir une vraie réflexion làdessus.
Comment s’annonce la récolte comparée à et quel est l’avenir des vins de Provence selon vous? Nous avons vécu une année de stress l’an dernier. Nous avons remis l’irrigation en place. Les gens n’avaient pas anticipé. Cela fait dix ans pourtant qu’on parle du réchauffement. Aujourd’hui le Canal de Provence est prêt à amener l’eau jusque dans notre région, ça nous coûte mais c’est pour éviter que la plante meure. Cette année a été une année compliquée mais de professionnels. C’est un vrai métier. Un vrai vigneron ne devrait pas être attaqué par le mildiou car dès que vous voyez une feuille attaquée, il faut traiter à la bouillie bordelaise. Si vous le faites cinq jours plus tard, le mildiou est une maladie qui va très vite. Aujourd’hui il y a beaucoup d’aides de l’Europe, donc il faut traiter. Sinon on ne manquera pas de rosé
cette année, on gère plutôt les surstocks.
Quant à l’avenir ? Il y un avenir pour le vin effervescent. Aujourd’hui, nous avons à % de progression par an. Le Prosecco aujourd’hui, c’est millions de bouteilles, c’est une belle réussite. Nous devons aussi, avec le CIVP, réfléchir à comment éduquer au vin vu que nous sommes privés de publicités et travailler avec les sommeliers nouvelles générations plus accros au rosé. Il faut aussi revoir la mise en avant de nos vins dans les hypermarchés avec la grande distribution.
« Il faut conserver notre leadership à l’export »