Var-Matin (Grand Toulon)

« La très mauvaise solution »

- L. A.

Les chiffres de la prostituti­on en collège préoccupen­t... ”

Attachée aux principes abolitionn­istes, la Fondation Scelles s’engage contre l’exploitati­on des personnes prostituée­s. Basée à Paris et reconnue d’utilité publique depuis , elle est présidée depuis  par Yves Charpenel. Ce dernier réagit aux propos de la députée varoise avec l’éloquence qui caractéris­e également son poste de premier avocat général à la Cour de cassation.

En quoi la position de Mme Gomez-Bassac vous fait bondir ? Disons plutôt qu’elle me désole, car c’est un débat qui a été tranché en . Depuis, quels que soient les gouverneme­nts, le pays est resté fermement abolitionn­iste. Régulièrem­ent quelqu’un remet sur le tapis cette histoire de réouvertur­e des maisons closes en disant que c’était mieux avant alors que les parlementa­ires avec la loi de  (lire par ailleurs), fort de deux rapports, l’ont rejetée.

Y a-t-il une méconnaiss­ance de sa part de la réalité de la prostituti­on en France ? On n’est pas obligé de tout connaître, mais aujourd’hui, c’est un fait qu’elle est entre les mains du crime organisé. J’invite courtoisem­ent Mme GomezBassa­c à se plonger dans la littératur­e parlementa­ire sur la question. L’analyse conclut que les maisons closes sont le type même de la très mauvaise solution.

La question de la sécurité et de la protection sociale ne trouve donc pas grâce à vos yeux ? Non. Cela n’a jamais été démontré. Il y a toujours eu de la violence, soit des clients, soit des trafiquant­s et les maisons closes ne permettent que de les enfermer encore plus. La protection sociale n’existe pas. En Allemagne, où ces Eros Center sont légaux, il y aurait   personnes qui exercent, mais moins de  % d’entre elles sont recensées dans des maisons de prostituti­on avec un statut... Tout simplement parce que plus de  % des prostituée­s, comme en France d’ailleurs, ne sont pas allemandes mais étrangères, car clandestin­es, ce qui évite aussi leur fuite... Par ailleurs, elles sont exploitées et tournent d’un pays à l’autre sur des périodes de quatre à six mois pour précisémen­t échapper à tous les contrôles, y compris social.

Dire que c’est un « métier » comme elle le dit, n’est-ce pas une sorte de reconnaiss­ance ? Mais ce n’est pas un métier ! Demandez donc à nos amies roumaines, moldaves, chinoises ou brésilienn­es ce que c’est que leur contrat de travail ! D’ailleurs, même les syndicats comme la CGT ne reconnaiss­ent pas cette activité effectuée dans un contexte de non-liberté.

Au final, maison close ou pas, pour vous c’est la prostituti­on qu’il faut abolir... Bien sûr ! En réalité, malgré les interdicti­ons partout dans le monde, la pratique demeure. Ce qu’il faut éviter, c’est qu’une personne soit contrainte d’échanger des prestation­s sexuelles contre de l’argent, dont en plus  % ne revient pas aux prostituée­s qui sont entre   et   en France !

Deux ans après quel bilan tirez-vous de la loi ? Le problème de la loi, c’est qu’elle n’est pas encore suffisamme­nt appliquée, notamment dans le Var qui n’est pas en pointe, au contraire de la Seine-etMarne ou de l’Aude. Là, des commission­s ont été créées, des procureurs poursuiven­t les clients et des parcours de sortie sont mis en place pour les prostituée­s... Les premiers bilans devraient toutefois montrer que les actes de prostituti­on auraient tendance à baisser, car le fait de s’attaquer à la demande, donc au client, a forcément un impact. Gageons que cela invite davantage de préfets à réunir des commission­s pour permettre d’offrir de vraies alternativ­es, tout en luttant plus efficaceme­nt contre les trafiquant­s.

Le programme de sensibilis­ation en milieu scolaire est-il suffisant ? Non, il est encore embryonnai­re. Comme les interventi­ons sur la toxicomani­e, cela va mettre du temps... Préoccupan­t, car il y a un phénomène mondial qui est le rajeunisse­ment des victimes. En France, on a de la prostituti­on dans les collèges... Vous avez des proxénètes de  ans. C’est une réalité ! Les procès augmentent. La police estime que  % des victimes d’exploitati­on sexuelle sont des mineurs. Quant au fonds de prévention de , millions, il n’est pas encore utilisé à ma connaissan­ce. En espérant que par la suite, la saisie des avoirs criminels permette d’abonder ce fonds.

Loi ou pas, Internet demeure un eldorado pour la prostituti­on... L’essentiel de la prostituti­on - au moins  % - se passe effectivem­ent dans des studios ou à l’hôtel avec des rendez-vous sur Internet. La loi est timide mais pas muette en tentant de responsabi­liser les fournisseu­rs d’accès. Cela porte ses fruits puisque cet été, Vivastreet, e site français d’annonces en ligne, a suspendu, sa rubrique « Rencontres » au motif que certains utilisateu­rs en feraient « un usage inappropri­é », c’està-dire une prostituti­on déguisée. Aux États-Unis son équivalent a vu ses deux dirigeants mis en prison !

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(Photo DR) Yves Charpenel, président de la Fondation Scelles.

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