Var-Matin (Grand Toulon)

Dans les pas de Madeleine, Gérard, Martine ...

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Nous avons passé une matinée au CMRR. Objectif : prendre la mesure de l’inquiétude vécue par les patients qui voit leur mémoire flancher. Josette est une grande

(1) brune, à l’allure sportive. Pas vraiment le type de personnes que l’on s’attend à voir ici. Préjugé stupide, l’apparence n’ayant rien à voir avec la maladie. Après un bilan, le Pr Robert lui explique que tout va bien pour elle. Elle a seulement du mal à se concentrer sur certaines choses. « Oui j’avoue, lorsque ça ne m’intéresse pas, je ne fais pas l’effort, du coup, les gens disent que je ne les écoute pas», s’amuse Josette. Est-elle rassurée ? «Je n’étais pas inquiète, moi! Ce sont mes proches qui seront rassurés ! Ils n’arrêtaient pas de me reprocher d’être tête en l’air. Au moins comme ça, ils arrêteront de m’enquiquine­r ! » Suivra Madeleine, 74 ans, qui se déplace en fauteuil roulant. Elle est accompagné­e de son mari, Jacques. C’est une ambulance qui l’a amenée car elle ne peut plus du tout se déplacer. Madeleine est bien connue du Pr Robert qui la suit depuis plusieurs années. Elle souffre d’Alzheimer à un stade avancé. Pendant la consultati­on, elle ne dit rien. Son doux sourire tranche avec son regard sans expression. Ses cheveux clairsemés sont maintenus délicateme­nt avec un peigne, ses ongles sont vernis de rouge. Alors que le médecin et son mari discutent, elle observe la salle, regarde les murs, l’ordinateur… « Elle ne sait pas où elle est, elle ne comprend pas, confie Jacques. Ca a été difficile pour venir ce matin. Dès qu’on change ses habitudes, elle est perdue. Je suis un peu son seul point de repère. » Madeleine n’est pas vraiment avec nous. Le Pr Robert lui fait remarquer qu’elle est toujours souriante, elle répond « ah d’accord ». Et son époux de confirmer : « Ça, elle ne l’a jamais perdu son sourire. Au quotidien, elle est calme, moins irritable qu’elle a pu l’être l’an dernier. Mais son état s’est dégradé : elle ne peut plus rien faire : la toilette, l’habillage… Je lui mixe ses repas et lui donne à manger car elle ne sait plus le faire.» Des infirmière­s et aides-soignants viennent à domicile prendre soin de la septuagéna­ire. Jacques confie avec humilité que sa propre vie est dictée par celle de Madeleine. « Je m’organise en fonction d’elle. Je vais essayer de la faire sortir, ne serait-ce que pour qu’elle puisse prendre l’air 5 minutes. L’été et les grosses chaleurs sont passées, ça sera plus facile. »

Il n’a pas oublié l’humour Gérard,

septuagéna­ire, est quant à lui en excellente forme physique : il ne manque pas de montrer au professeur ses mollets galbés. Diagnostiq­ué Alzheimer, Il fait encore deux sorties en vélo chaque semaine. Sa fille l’accompagne. «Il souffre de solitude depuis la mort de maman, il a du mal à l’accepter. Pour le reste, il se débrouille bien au quotidien. » D’ailleurs, il balaie d’un revers de main la propositio­n de mettre en place des visites à domicile d’une infirmière pour l’aider à prendre ses médicament­s. Gérard, qui a été flashé pour des petits excès de vitesse, a perdu son permis. Pour le récupérer, il doit repasser le code. On sent sa fille soulagée de savoir qu’il ne conduit plus. Pour autant, « cette histoire de code est un bon prétexte pour faire travailler Gérard », note en aparté le médecin. Si le physique de cet Azuréen est bien préservé, son esprit semble parfois s’emmêler. Sa fille corrige ses propos, le reprend lorsqu’il se trompe. Mais, il prend ça avec humour, une qualité préservée malgré la maladie.

Martine est beaucoup plus jeune que les autres patients. La quanquagén­aire se dit très inquiète : elle peine à accomplir les tâches comme avant. Le bilan est atypique. Le Pr Robert creuse, la questionne et conclut : «Le bilan n’est pas évocateur d’une pathologie dégénérati­ve ». Pour autant et paradoxale­ment, Martine ne semble pas totalement rassurée. Comme si elle attendait une réponse péremptoir­e à toutes ses questions. Elle reviendra dans quelques mois refaire un bilan. D’ici là, le médecin lui a suggéré quelques pistes pour tenter de dénouer la situation. Toutes ces personnes que nous avons rencontrée­s sont venues à la consultati­on mémoire pour trouver des réponses. Elles ne les obtiendron­t pas toujours. Mais toutes repartiron­t avec le sentiment d’avoir été accompagné­es dans un climat de bienveilla­nce et de dialogue. « Il est important que les patients et leurs proches se sentent entourés et écoutés. Nous nous efforçons de véhiculer des messages positifs. » (1) Tous les prénoms ont été modifiés

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