« Comment va-t-on utiliser les millions d’euros d’économie ? »
Je comprends que les médicaments antiAlzheimer dont l’efficacité pose question depuis plus de 10 ans soient finalement déremboursés. Mais pourquoi, sachant que le débat est aussi ancien, ne pas avoir développé de solutions de substitution permettant que le jour J, les malades, leurs proches se voient proposer des alternatives? Et pourquoi les laisse-t-on sur le marché s’ils sont estimés dangereux ? » Michel Revel est un aidant parmi des centaines de milliers d’autres. Ou plutôt, il l’était. Michel n’a pas pu empêcher sa femme, Gun, de «s’en aller» . Mais pendant
(1) plus de huit années, il a patiemment, amoureusement, apaisé ses inquiétudes, balisé son chemin, accompagné ses errances, s’est émerveillé de ses mots capables de ressurgir lorsque le silence semblait l’avoir définitivement habitée… Avec le départ de Gun, les interrogations de Michel ne se sont pas taries. Sans prétention – «je ne suis qu’un ancien aidant attentif » –, il prend la parole pour livrer une réflexion partagée par de nombreuses autres personnes victimes directes ou collatérales de la maladie d’Alzheimer. «Aucun produit de remplacement n’est prévu ne serait-ce que pour atténuer le choc profond déclenché par les déremboursements. On a présenté le “déploiement des thérapeutiques non médicamenteuses” comme la nouvelle approche de suivi, mais sans que l’on sache trop de quoi il s’agit. Et encore moins comment et par qui ces “thérapeutiques” seront “déployées” Et avec quel argent?» Michel s’interroge aussi sur l’utilisation des quelque 90 millions d’euros d’économies annuelles que devraient engendrer le déremboursement des médicaments antiAlzheimer. « Ne faudrait-il pas les allouer à la recherche sur cette maladie si complexe?» Maladie? Le mot même est aujourd’hui bousculé, certains affirmant que « la maladie d’Alzheimer n’est pas une maladie stricto sensu, mais la résultante d’une construction sociale sur le vieillissement».
Comme beaucoup d’autres, (2) Michel est bouleversé par ces prises de position. «Beaucoup de troubles ont peut-être hâtivement été diagnostiqués maladie d’Alzheimer. Mais, tous ceux qui vivent, qui ont vécu auprès d’un proche malade peuvent raconter ce processus qui va conduire à progressivement tout désapprendre. Un processus qui ne s’apparente en rien à un simple déclin cognitif…» Si les mots restent sobres, le regard trahit des souffrances que l’actualité autour d’Alzheimer tend à bafouer. (1) Il a livré son témoignage dans un ouvrage intitulé Alzheimer… C’est quoi vraiment ? Éditions Amalthée (2) Alzheimer, le grand leurre par Olivier Saint-Jean et Eric Favereau. Éditions Michalon.