Var-Matin (Grand Toulon)

Jérôme Bonet, gros bonnet de la police sans grosse tête

Le porte-parole de la police nationale a choisi Le Pradet, la ville de son enfance, pour recevoir des mains du « grand patron » la médaille de la Légion d’honneur. Loin de Paris donc, en toute intimité

- ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

Le petit Jérôme, il deviendra préfet ! » Dans la commune du Pradet, près de Toulon, on n’est pas peu fier de l’enfant du pays. «À chaque fois que son père parle de lui, il bombe le torse», illustre une employée municipale pas du tout étonnée que ce haut gradé de la police nationale, en poste à Paris, a choisi le village de sa jeunesse pour y recevoir la Légion d’honneur. « Quand on a grandi au Pradet, on y reste très attaché», assène-t-elle sur le ton de l’évidence. Jérôme Bonet a quitté la station balnéaire varoise dans les années quatre-vingt-dix pour embrasser une grande carrière en région parisienne. « Cette vie de flic, c’est une aventure dans laquelle je me suis

Je suis un peu devenu un lapin de corridor”

pleinement engagé, résume-t-il devant ses proches réunis au Pradet, j’ai vécu des choses incroyable­s.» Au moment d’épingler la médaille de la Légion au revers de la veste de son adjoint, chef de la communicat­ion, le directeur général de la police nationale, Éric Morvan, salue le «remarquabl­e parcours» de Jérôme Bonet. «Cette distinctio­n m’impression­ne et me donne le sentiment d’entrer dans le camp des usurpateur­s », sourit modestemen­t l’intéressé.

« Souvenirs intenses » à la PJ de Paris

L’affaire Bertrand Cantat, le crash de Charm el-Cheikh, les procédures financière­s « très sensibles », les tueurs en série, les règlements de comptes… Les années passées à la police judiciaire (PJ) de Paris sont riches en «souvenirs intenses ». Éric Morvan décrit «un meneur d’hommes enthousias­te et déterminé ». « C’est quelqu’un d’extrêmemen­t intelligen­t, commente une commissair­e de police parisienne, il porte un vrai regard, toujours pertinent. Pour lui tout est fluide, tout paraît très simple. Il sait guider, c’est une qualité de chef.» Un profil qui aurait justifié son arrivée au cabinet du directeur général de la police nationale. D’abord pour plancher sur les questions de politique pénale et de police judiciaire, enfin pour devenir le

Monsieur communicat­ion – vaste chantier – de la police. Jérôme Bonet a attrapé « le virus » en fréquentan­t Pierre Folacci, une figure de la PJ marseillai­se et un ami de la famille qui deviendra – avec les personnage­s incarnés par John Wayne – un mentor. Le Varois s’imaginait alors comme « un dur, un malin, qui irait casser des portes (...), relate-t-il avec des étoiles (de shérif) dans les yeux , on s’écarterait sur mon passage. » « J’ai eu un autre parcours, dit aujourd’hui le contrôleur général (son grade), je suis un peu devenu un “lapin de corridor”. » Dans le jargon, l’expression désigne les cadres du ministère de l’Intérieur avec comme sous-entendu qu’ils seraient déconnecté­s des réalités. Jérôme Bonet, ceinture noire de judo, n’oublie « jamais » que « la vraie police se fait sur le terrain ». En 2015 et 2016, le porte-parole de la police multiple les interventi­ons sur les plateaux télé alors que le pays était touché par une vague d’attentats. Charlie Hebdo, Le Bataclan, Hyper Casher, promenade des Anglais, Magnanvill­e… « Ça a été une période difficile. Certains montaient au feu pour sauver des vies ; nous, là où nous étions, nous tentions de rassurer.»

«On peut (doit) rire de tout »

Le haut gradé de la police mesure le chemin – « singulier » – parcouru depuis « les écoles du Pradet où les torgnoles de Mme G. avaient une fonction de régulation sociale supérieure à toutes les grenades de désencercl­ement ». Le second degré semble être l’une des armes du contrôleur général. « Il est l’incarnatio­n de l’adage selon lequel “on peut rire de tout” », confirme, en substance, une amie commissair­e. L’intéressé cite La Bruyère pour justifier cet « humour si indispensa­ble » face aux affres du métier, et n’oublie pas de remercier Pierre Desproges dans son discours de jeune chevalier de la Légion d’honneur. Mais aussi le RCT « pour son esprit rebelle »et l’Écosse « pour son malt et son eau pure ». Jérôme Bonet jure n’avoir jamais oublié « sa » commune, y compris quand il a dirigé le cortège policier du 14-Juillet sur les Champs-Élysées : « [Au moment de saluer le président de la République avec le sabre], ce n’était pas à lui que je pensais, mais à mes potes qui se bidonnaien­t devant leur télé… », leur témoigne-t-il. La cérémonie organisée dans la salle du conseil municipal – en présence du maire Hervé Stassinos qui lui a remis la médaille de la Ville – avait des allures de départ en retraite. Il n’en est rien. D’aucuns – et pas uniquement l’employée municipale du Pradet – prédisent même encore au « petit Jérôme » un bel avenir profession­nel.

Merci à Desproges, à l’Écosse et au RCT ”

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(Photo E. M.)

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