Var-Matin (Grand Toulon)

Procès Pastor (Aix) : Pascal Dauriac, faites entrer l’accusateur

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Au milieu de cette deuxième semaine du procès Pastor, la cour d’assises d’Aix-en-Provence a brutalemen­t plongé au coeur du dossier. L’événement de la journée, c’était l’audition de Pascal Dauriac, 49 ans, le coach sportif. Droit face au micro, chemise sombre ouverte sur un tee-shirt blanc, il parle d’une voix monocorde. Il habitait Eze jusqu’à son arrestatio­n. Il s’accuse, depuis, de l’organisati­on du double assassinat. Il dit vouloir être en paix avec luimême. Et désigne un commandita­ire: Wojciech Janowski. Visage émacié, débit lent, yeux clos, Pascal Dauriac raconte les séances de sport, trois fois par semaine, chez les Pastor. Le gratin monégasque. Il y faisait transpirer Wojciech Janowski, mais aussi sa compagne Sylvia. Il avait trouvé le juteux filon du coaching sportif en principaut­é après un CAP de peintre en bâtiment et une boutique d’huiles essentiell­es. Selon lui, la simple relation patron-salarié va basculer début 2012. «Ce jour-là, lors d’une séance, Janowski regardait par la fenêtre, à l’extérieur. Il m’a dit, ”Elle me fait trop de mal, il faut que je trouve une arme pour la tuer. Je me suis renseigné en Pologne, c’est compliqué de la ramener à Monaco. Peux-tu me trouver une arme? ”»

« Quelqu’un pour liquider la vieille»

Pascal Dauriac dit avoir été «sidéré». «Je connaissai­s l’ambiance chez eux, je n’ai pas donné suite.» «L’ambiance», c’est, selon lui, Hélène Pastor qui appelait sa fille tous les quarts d’heure au téléphone. «Sylvia lui disait d’arrêter de mal lui parler, d’arrêter de l’insulter. Elle pleurait parfois. En treize ans, il n’y a pas eu une heure de coaching qui n’ait été interrompu­e par sa mère.» À partir de ce moment, Dauriac décrit ce qu’il qualifie de «machine à laver». Une emprise psychologi­que de son patron lui faisant caresser le rêve d’une vie meilleure. « Il m’a écouté, m’a apporté de l’intérêt. (...) Il a pris de l’importance à mes yeux. Il me disait « ”Je pourrais être ton père, le parrain de ton futur enfant ”. Dauriac dépeint un consul honoraire de Pologne alternant brimades et cadeaux magnifique­s, comme des voyages à Londres, en Thaïlande, une voiture. En septembre 2013, le projet mortifère se précise. Le gendre de la milliardai­re lui aurait alors lancé: «La maladie de Sylvia (ndlr: fille d’Hélène Pastor) s’est aggravée, je cherche quelqu’un pour liquider la vieille, est-ce que tu peux m’aider?» Le président de la cour d’assises s’étonne: «Pourquoi n’avez-vous pas immédiatem­ent abandonné ?» Dauriac lance un regard dans le vide: «J’avais peur de perdre mon job. Je ne pensais pas que cette histoire irait au bout.» La suite, c’est l’appel à son beau-frère pour trouver une équipe de tueurs. Puis Janowski qui, outre la milliardai­re, rajoute «deux mois avant» le chauffeur, Mohamed Darwich, sur sa liste criminelle. Pour brouiller les pistes. Selon Dauriac, Janowski parlait du chauffeur comme d’un «détail». «Il m’a donné l’ordre de le faire supprimer car ça aiguillera­it les enquêteurs sur une autre voie. J’ai transmis l’ordre de faire assassiner Darwich. Je ne suis pas parti en courant. Et je sais qu’en ce sens-là, c’est terrible.» Il pleure.

« Il fait le signe du jackpot »

Selon le coach, après la mort d’Hélène Pastor et de son chauffeur, Janowski avait désigné une troisième cible: Gildo, le fils de la milliardai­re. «Il était très satisfait du décès de Madame Pastor. Quand on s’est revus, il m’a même fait le signe du jackpot. Immédiatem­ent, il a voulu faire tuer Gildo qui était rentré sur Monaco après son AVC. Il fallait le tuer avec un fusil longue portée sur sa terrasse, ou alors devant chez lui avec son infirmier, ou lors d’une croisière programmée en Corse.» Dans le box, Janowski écoute avec attention les paroles de Dauriac, tête tournée vers lui. Aucune émotion particuliè­re. Il pourrait nier de la tête, bondir, hurler, interrompr­e. Rien de tout ça. Pour atténuer le poids de cette longue audition accusatric­e, Me Eric Dupond-Moretti s’attachera à détricoter quelques incohérenc­es dans le discours de Dauriac. Mais sans réussir à livrer une démonstrat­ion réellement convaincan­te. Sans permettre de comprendre pourquoi le coach irait gratuiteme­nt s’auto-accuser d’un tel crime. Ce matin, c’est au tour du principal accusé d’être entendu.

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(Dessin Rémi Kerfridin) Pascal Dauriac.

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