Hervé Morin : « La technocratie a décidé de reprendre le pouvoir »
A la tête du conseil régional de Normandie, Hervé Morin, est depuis l’an dernier, le président de Régions de France. L’ancien ministre de la Défense estime que les pays doivent faire moins de dépenses militaires et consacrer une aide financière aux populations les plus pauvres pour satisfaire leurs besoins minimums. Il est aussi vent debout contre la recentralisation menée par le gouvernement.
Le contrat de maîtrise des dépenses de fonctionnement, imposé par l’État, limite leur hausse à , %. Vous avez refusé de le signer. Quelles sont les conséquences ?
Chaque région a géré ce dossier en fonction de ses impératifs. Moi je ne l’ai pas plus signé que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur car j’estime que j’ai été élu au suffrage universel et que j’ai donc une légitimité politique. Je trouve surprenant de devoir soumettre mon budget au préfet, représentant de l’État. Et je n’ai pas besoin des leçons de l’État quand mes dépenses croissent déjà beaucoup moins vite que les siennes et restent en moyenne à moins de % par an. Si on ne respecte pas les , %, on prendra une très grosse sanction financière. Mais comme on respectera !
Le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé sa venue ce matin à la dernière minute. Etes-vous surpris ?
Il avait été invité il y a - mois. On n’avait pas de réponse. Il a peut-être entendu que nous n’étions pas dans une posture politicienne. Nous voulons le dialogue, fondé sur la confiance, pour sortir du paradigme dans lequel nous sommes, où on a le sentiment que la technocratie a décidé de reprendre le pouvoir. Et donc tant mieux s’il vient, on sera en situation de s’exprimer.
Le sort des Régions est lié à celui de l’Europe. Comment voyezvous les élections l’an prochain ?
On ne peut rester sur une Europe qui suscite de plus en plus la défiance de nos compatriotes. Je veux qu’on rebâtisse le modèle européen. Il faut des modes de décision qui permettent à l’Europe d’avancer. Qu’elle n’intervienne pas tous azimuts mais se concentre sur les objectifs principaux, et l’échelle européenne est la plus pertinente. Elle doit prendre en compte la question migratoire, dont on ne connaît aujourd’hui que le début d’un phénomène, qui va prendre un caractère massif dans quelques décennies.
Comment devrait-elle intervenir dans cette crise migratoire?
La croissance démographique de l’Afrique combinée à l’absence de moyens consacrés pour lutter contre l’extrême pauvreté ou pour satisfaire aux besoins minimums des populations, mène à une équation insupportable. Cette croissance démographique va mener le Niger, par exemple, à une population de à millions d’habitants en . A cela s’ajoutent le réchauffement climatique et le déplacement de centaines de millions de personnes. Au lieu d’augmenter massivement les dépenses militaires pour nous protéger, on devrait d’abord se préoccuper de ces facteurs majeurs de déstabilisation. Nous devons bâtir des modèles dans lesquels on assure le décollage de ces pays.
Que pensez-vous de la situation de l’Aquarius ?
L’Aquarius est un signal d’alerte. Ce devrait être, pour nous Européens, la prise de conscience qu’il va falloir agir autrement. Et le gouvernement doit entendre l’inquiétude des Français sur les flux migratoires. Si on refuse de regarder cette évidence on va vers les nationalistes au pouvoir. Les pays européens doivent se mettre tous ensemble autour de la table pour trouver une solution, car ce ne sont pas les garde-côtes européens qui vont changer grand-chose.
Le Brexit signifie-t-il moins d’argent pour les Régions?
C’est clairement moins d’argent pour les régions. Il y aura moins de crédits. Deux budgets vont payer : les fonds structurels et la Politique agricole commune. Dans quelles proportions ? On n’en sait rien, mais ce sera le débat des prochains mois. Ce qui est sûr c’est que l’on a besoin d’une politique agricole forte, car c’est un atout gigantesque quand on a en tête les besoins alimentaires de la population mondiale, dans les décennies qui viennent. Pour les fonds structurels, il y a aura une baisse de l’enveloppe globale mais il faudra un rééquilibrage car quand on regarde les cartes européennes, il y a des régions de l’est de l’Europe qui ont connu des croissances considérables quand les nôtres ont vu leur PIB/habitant baisser. Il faut un rééquilibrage du soutien européen vers l’ouest de l’Europe, compte tenu du décollage de ces régions de l’est de l’Europe.