Viva Valls !
Entre son arrivée à Matignon le mars et son départ fracassant le décembre , le chômage n’a pas explosé en France. Il a plutôt stagné. Mais ce n’est pas pour ses résultats économiques que les électeurs catalans pourraient élire Manuel Valls à la mairie de Barcelone au mois de mai. À l’époque du dégagisme, qui souffle en bourrasque partout dans le monde, il incarne pour nos voisins ibériques une forme de renouveau. À l’inverse, ce n’est pas pour son assiduité au Parlement que les électeurs d’Évry le pleureront. Il a séché les bancs de l’Assemblée nationale avec une telle constance qu’il a fini par agacer jusqu’à ses plus proches soutiens. Critiqué, vilipendé, voire moqué pour sa capacité à changer de famille politique à la vitesse de l’éclair, c’est pourtant un homme politique de premier plan que la France est en train de perdre, sur l’air de « Bon débarras ! », pour reprendre le tweet lapidaire de son adversaire la plus fidèle, la députée d’opposition, Clémentine Autain. Si vous doutez de l’étoffe dont il est fait, souvenez-vous de son attitude lors des attentats parisiens de , de ce discours devant la représentation nationale sur « la France en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical» et non « contre l’islam et les musulmans » qui lui valut une ovation, à gauche comme à droite de l’hémicycle. Des paroles fortes et dignes, en ces temps déjà lointains de communion nationale. Alors pourquoi Valls s’est-il autant et aussi souvent planté, au cours de ces dernières années? Lui qui se rêvait en Napoléon, avec ses faux airs de Bonaparte, en route, voie dégagée, vers l’Élysée, et qui se prit une raclée dès la primaire socialiste – c’était en , ça semble une éternité. Sans doute, n’était-il pas au bon moment, au bon endroit. Macroniste avant Macron, chantre de la disruption avant que cela ne devienne le credo officiel, il espère, aujourd’hui, se refaire une virginité électorale du côté de La Rambla, en utilisant la même méthode – hors des partis – sur un registre qu’il maîtrise bien, l’unité nationale. Lui au moins ne cherche pas à nous faire gober qu’il se retire de la vie publique, quand d’autres, et pas des moindres, ne rêvent que d’une chose: se replacer au centre du jeu avant la prochaine présidentielle. Valls sera-t-il le prochain maire de Barcelone? C’est loin d’être gagné: les électeurs, sur place, ont tant d’autres préoccupations, comme la présence trop massive des touristes dans les quartiers historiques. Les mélenchonistes récupéreront-ils la circonscription qu’il abandonnera la semaine prochaine? C’est probable. Il aura fait au moins un heureux: le leader de La France insoumise. Même si ce n’est pas celui qu’il regrettera le plus de ce côté-ci de la frontière.
« C’est pourtant un homme politique de premier plan que la France est en train de perdre. »