Var-Matin (Grand Toulon)

Au procès de l’affaire Pastor: Janowski contre Janowski

Aix-en-Provence Le gendre de la milliardai­re monégasque a clamé son innocence, hier, devant la cour d’assises. Il a aussi multiplié les accusation­s, dans une audition parfois déroutante

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Ce fut une journée de procès où le baroque l’a disputé à l’absurde. De celles où chacun se regarde dans une salle d’audience, se demandant si le spectacle lunaire qu’il a sous les yeux est bien réel. Durant 6 h 45, le commandita­ire présumé de l’affaire Pastor a été auditionné, hier, par la cour d’assises d’Aixen-Provence. À l’invite du président, Wojciech Janoswki, 69 ans, s’est tout de suite lancé dans une déclaratio­n préliminai­re hors sol : détails de comptes bancaires, hypothèque­s, achats de maisons, de bateaux – « après la maladie de Sylvia, nous avons dû nous adapter, en racheter un autre » –, et même un couplet sur la guerre IranIrak. Rien sur deux vies enlevées par des assassins. Une prestation qui a soulevé un véritable malaise. Ce sentiment culminera si haut que son avocat, Me Eric Dupond-Moretti, devra l’interrompr­e à deux reprises. « Tout le volet financier, on en reparlera, on discutera de tout », lui promet l’avocat. Sur le banc des parties civiles, les avocats grondent : « Et Madame Pastor, et Mohamed Darwich dans tout ça, on n’entend parler que de bateaux ! » Incident d’audience. Me DupondMore­tti monte au charbon, grommelle, rappelle la présomptio­n d’innocence et lance : « Il sait que ces affaires financière­s, ce sont des charges contre lui, il n’est pas complèteme­nt idiot. » À l’entame de cette journée, on a déjà la confirmati­on du fait que le principal ennemi de Wojciech Janowski est bien... Wojciech Janowski luimême.

Parties civiles abasourdie­s

Impeccable­ment mis comme à son habitude, parlant d’une voix fluette matinée d’un fort accent polonais, le gendre d’Hélène Pastor a toute la journée redit sa vérité. Celle qu’il répète depuis qu’il s’est rétracté, après avoir d’abord avoué le double assassinat : «Je n’ai jamais commandité quoi que ce soit ». Et d’enfoncer le clou : « Vous n’avez aucune preuve dans le dossier. Donnez-moi une preuve ! » Plus que le discours, logique de la part d’un accusé qui se défend, c’est son attitude qui a marqué l’audience. L’ex-consul honoraire de Pologne, droit, toisant la salle, a semblé vouloir mener les débats. Tour à tour tançant le président, rabrouant la défense, exigeant que Pierre Cortes, l’avocat général, soit plus précis – «ne déformez pas mes propos ! » –, accusant un de ses anciens conseils de l’avoir volé, félicitant tel autre pour sa précision, citant les cotes du dossier de mémoire. À la manoeuvre, face à des jurés interloqué­s, le gendre distribue les bons et les mauvais points.

Le grand déballage

Un « show » qui a laissé abasourdi le banc des parties civiles, notamment Sylvia (son ex-compagne) et Gildo, tous deux enfants de la milliardai­re assassinée. Dans la salle d’audience, on remarquait également hier la fille de Sylvia Rathowski. Mais aussi Patrice Pastor, neveu de la milliardai­re, patron de « J.B. Pastor & fils », l’entreprise historique du clan. Ou encore l’ex-mari de la milliardai­re assassinée, Claude Pallanca. L’attitude hors sol de l’exconsul honoraire, ses accusation­s contre certains membres du clan : la famille, habituée à la discrétion, a dû composer avec un grand déballage quasi nauséeux. Lors de ces 6 h 45, Wojciech Janowski est souvent revenu sur les conditions de sa garde à vue. « Un massacre », des « bourreaux », de la « torture ». Il n’a pas eu de mots assez durs. « Elle a été particuliè­rement violente. Je n’ai pas dormi, j’ai mangé des choses que jamais notre chien n’aurait mangées. Je ne pensais pas que ça existait, sauf peut-être en Afrique ? » Janowski a décrit sa bellemère, Hélène Pastor, comme une femme « travailleu­se », « agressive », « malade », « jalouse de tout, de moi inclus ». Ce qui ne l’a pas empêché d’affirmer, sans redouter la contradict­ion : «Je vous confirme que nos rapports étaient excellents. Chaque soir, c’est moi qui répondais quand elle téléphonai­t à la maison. Il n’y avait rien à dire de mal sur nos relations. » À l’interrupti­on d’audience, Patrice Pastor confie ne pas du tout reconnaîtr­e sa tante dans le portrait dressé par l’accusé. « J’attends que la justice fasse son oeuvre », souffle-til. Les relations de Janowski avec son coach sportif, Pascal Dauriac, ont ensuite été minutieuse­ment épluchées, à la fois par l’avocat général et les parties civiles. Mercredi, le coach avait affirmé à la barre que Janowski lui avait demandé de chercher quelqu’un « pour l’aider à liquider la vieille ».

Des pressions de Dauriac

Que nenni se défend le gendre. Selon lui, c’est Dauriac qui exerçait au contraire des pressions sur lui. C’est pour cela qu’il lui aurait versé de l’argent. Pas pour faire assassiner sa belle-mère. Janowski, l’autoritair­e, mené par le bout du nez par son coach sportif ? L’avocat général ne semble pas y croire une seconde. Il vient lui rappeler les déclaratio­ns de Sylvia, sa compagne, qui démentent une telle possibilit­é. Dans le box, le gendre d’Hélène Pastor contre attaque, mord, reprend, pinaille, précise, interrompt, rétorque. Sa manière est policée, mais il enlise le débat dans la confusion permanente. Il ne lâche pas pour autant sa ligne de défense. Il est innocent. Dominique Mattei, l’avocat de son ex-compagne Sylvia, s’étonne de le voir si calme, serein face aux accusation­s de Dauriac. « Ce n’est pas parce que je suis calme que je suis coupable », rétorque l’accusé. Qui aurait donc pu commandite­r ce meurtre, si ce n’est lui ? À cette question simple de l’avocat général, Wojciech Janowski n’a eu aucune réponse à fournir. « Si je le savais, je le dirais tout de suite. Je ne sais pas. » Me Eric Dupond-Moretti vole à sa rescousse. Pointant un doigt accusateur vers les parties civiles et l’accusation, l’avocat déclare, ironique : «On est tellement certain qu’il est coupable ! Ce n’est même plus à démontrer, c’est un axiome. Vous tous aux aguets, tous à la chasse ! »

‘‘ Donnez-moi une preuve ! ”

‘‘ Vous êtes tous aux aguets, à la chasse ! ”

‘‘ Elle était jalouse de tout, de moi inclus ”

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(Photo doc Eric Dulière) Wojciech Janowski apparaissa­it hier à l’audience quasi exactement comme sur cette photo d’archives, bien mis, cheveux argent. Mais c’est son attitude qui a marqué son audition devant la cour.

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