La mise en scène des exaspérations
Ne faisons pas semblant de découvrir l’eau tiède : depuis la nuit des temps, la mauvaise foi fait partie intégrante de la politique. Il semblerait toutefois que certains soient en train de pousser très loin le bouchon. « La colère des territoires », « la fracture territoriale », « un pays qui meurt à petit feu de son ultracentralisation » : de Menton à Paimpol, de Perpignan à Vesoul, c’est désormais partout la même rengaine, la même litanie larmoyante qui fustige et la toute-puissante parisienne et l’aveuglement d’un Président qui n’aurait jamais tâté du cul des vaches. Tout cela sonne un peu surjoué, à en devenir ridicule à force de caricature. Il n’est pas question de nier les difficultés, bien palpables, des collectivités locales. Certains départements tirent le diable par la queue juste pour payer le RSA, les maires de village font des arbitrages de bouts de chandelle et gèrent la misère à la piécette près. Comme cela a toujours été le cas. Près de maires ont démissionné en , durant les six premiers mois de , contre seulement en . Malaise, il y a. Mais il reste largement circonscrit, au regard des quelque communes de l’Hexagone. Les élus locaux, certes, ont beau jeu de fustiger un Etat qui peine à s’imposer les économies qu’il inflige aux collectivités. La baisse des dotations ne date néanmoins pas de l’élection d’Emmanuel Macron. Après un gel à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, elle s’est vraiment engagée sous François Hollande. Et tout en ayant vu leurs enveloppes chuter de façon drastique, des départements – les Alpes-Maritimes, au hasard – se targuent de continuer à investir tout en baissant les impôts, grâce à une gestion « vertueuse » au millimètre. Il faut donc croire que la situation n’est pas si critique que cela, même si le besoin d’une clarification des ressources fiscales des collectivités apparaît plus qu’urgente. La fameuse exaspération des territoires relève, au-delà d’éléments objectifs, d’une posture politicienne. L’abandon supposé du bas-pays par un Président trop haut perché est le seul coin que l’opposition de droite, à la tête de quantité de bastions, est jusqu’ici parvenue à enfoncer pour se démarquer de Macron. La colère des provinces se gonfle, ensuite, du non-cumul des mandats. Autrefois aussi députés ou sénateurs, les barons locaux, privés de tribune nationale, veulent continuer à peser. Ils y parviennent d’autant mieux que les nouveaux députés manquent tout à la fois de visibilité, d’expérience et d’ancrage. Quelles que soient les colères, légitimes ou forcées, la réalité d’un Etat à sec va cependant persister. Il faudra, et assez vite, débusquer les économies d’échelle que l’irruption des métropoles n’a pas encore permises à ce jour.
« Quelles que soient les colères, la réalité d’un Etat à sec va persister. »