Var-Matin (Grand Toulon)

La mise en scène des exaspérati­ons

- de THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

Ne faisons pas semblant de découvrir l’eau tiède : depuis la nuit des temps, la mauvaise foi fait partie intégrante de la politique. Il semblerait toutefois que certains soient en train de pousser très loin le bouchon. « La colère des territoire­s », « la fracture territoria­le », « un pays qui meurt à petit feu de son ultracentr­alisation » : de Menton à Paimpol, de Perpignan à Vesoul, c’est désormais partout la même rengaine, la même litanie larmoyante qui fustige et la toute-puissante parisienne et l’aveuglemen­t d’un Président qui n’aurait jamais tâté du cul des vaches. Tout cela sonne un peu surjoué, à en devenir ridicule à force de caricature. Il n’est pas question de nier les difficulté­s, bien palpables, des collectivi­tés locales. Certains départemen­ts tirent le diable par la queue juste pour payer le RSA, les maires de village font des arbitrages de bouts de chandelle et gèrent la misère à la piécette près. Comme cela a toujours été le cas. Près de  maires ont démissionn­é en ,  durant les six premiers mois de , contre  seulement en . Malaise, il y a. Mais il reste largement circonscri­t, au regard des quelque   communes de l’Hexagone. Les élus locaux, certes, ont beau jeu de fustiger un Etat qui peine à s’imposer les économies qu’il inflige aux collectivi­tés. La baisse des dotations ne date néanmoins pas de l’élection d’Emmanuel Macron. Après un gel à la fin du quinquenna­t de Nicolas Sarkozy, elle s’est vraiment engagée sous François Hollande. Et tout en ayant vu leurs enveloppes chuter de façon drastique, des départemen­ts – les Alpes-Maritimes, au hasard – se targuent de continuer à investir tout en baissant les impôts, grâce à une gestion « vertueuse » au millimètre. Il faut donc croire que la situation n’est pas si critique que cela, même si le besoin d’une clarificat­ion des ressources fiscales des collectivi­tés apparaît plus qu’urgente. La fameuse exaspérati­on des territoire­s relève, au-delà d’éléments objectifs, d’une posture politicien­ne. L’abandon supposé du bas-pays par un Président trop haut perché est le seul coin que l’opposition de droite, à la tête de quantité de bastions, est jusqu’ici parvenue à enfoncer pour se démarquer de Macron. La colère des provinces se gonfle, ensuite, du non-cumul des mandats. Autrefois aussi députés ou sénateurs, les barons locaux, privés de tribune nationale, veulent continuer à peser. Ils y parviennen­t d’autant mieux que les nouveaux députés manquent tout à la fois de visibilité, d’expérience et d’ancrage. Quelles que soient les colères, légitimes ou forcées, la réalité d’un Etat à sec va cependant persister. Il faudra, et assez vite, débusquer les économies d’échelle que l’irruption des métropoles n’a pas encore permises à ce jour.

« Quelles que soient les colères, la réalité d’un Etat à sec va persister. »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France