Le livre du jour
Journaliste d’investigation ou… homme politique par procuration ? La question se pose au sujet d’Edwy Plenel, ce teigneux en chef de l’info, que d’aucuns vénèrent et d’autres détestent. Le juge Van Ruymbeke lui voue une grande considération, tandis que Franz-Olivier Giesbert lui trouve « le sourire de la Stasi ». Mitterrand, lorsqu’il évoqua aux obsèques de Pierre Bérégovoy « l’honneur d’un homme livré aux chiens », pensa sans doute très fort à lui, parmi d’autres. Ni hagiographe ni contempteur, Laurent Huberson retrace avec minutie le parcours du moustachu breton, dont la force est aussi la faiblesse : combiner le journalisme et l’engagement. « A la recherche de la vérité, il assigne un objectif supplémentaire, un but politique, celui d’établir une République radicalement démocratique et sociale.» Il raconte l’engagement trotskiste de Plenel de à , qui lui vaudra de découvrir sa vocation journalistique à Rouge, le journal de la Ligue communiste révolutionnaire. Puis son ascension fulgurante au Monde, qui le verra passer de à du service Education à la direction de la rédaction, après avoir sorti les affaires des Irlandais de Vincennes et du Rainbow Warrior. Sa disgrâce interviendra en , suivie en décembre du lancement de Mediapart, dont il a fait un modèle économique viable, après des débuts délicats. Edwy Plenel y a bâti son succès sur un antisarkozysme viscéral et revendiqué, qualifiant notamment l’ancien Président de « délinquant constitutionnel ». Imprégné de romantisme ouvrier, il se vit en héraut de la liberté de la presse, inlassable traqueur de scoops et défricheur de démocratie. Il n’est inféodé à personne, « avant tout un solitaire » qui éprouve « un besoin inextinguible de reconnaissance ». Huberson a quasiment tout dit. Edwy Plenel, coups, intrigues, réseaux, Plon, 432 pages, 19,90 euros.