Var-Matin (Grand Toulon)

Toulon: la locataire incendiair­e échappe à la prison

- SO. B.

Ces incendies n’ont jamais pris de grande proportion. Ils ont été allumés, signalés presque aussitôt, éteints dans la foulée. C’est pour avoir mis le feu à trois reprises dans son propre immeuble, qu’une jeune femme de 26 ans a été condamnée hier matin à Toulon. La locataire devenue incendiair­e a clairement échappé à une peine de prison – le ministère public avait requis 18 mois de détention, dont dix avec sursis. Le tribunal l’a condamnée à 200 h de travail d’intérêt général, sous peine de devoir purger six mois ferme.

« Un comporteme­nt détestable »

Émilie M. n’avait pas de casier judiciaire, elle est mère de deux enfants en bas âge et dans une situation sociale précaire. Depuis son interpella­tion, elle a respecté toutes les cases de son contrôle judiciaire. Ce qui a pesé en sa faveur. Pour le reste, c’est « un comporteme­nt parfaiteme­nt détestable »qui est exposé à l’audience, selon les mots du procureur. À la barre, elle se tient droite, les mains nouées.

Planques de la police

« Il y a un feu dans la nuit du 14 mai, sur la toiture basse. Vous déposez plainte le 17 mai, énumère la présidente du tribunal. La police met en place des surveillan­ces.» L’enquête patine. Des feux se déclarent pendant les heures de planque. Le 27 mai, autre stratégie, à l’arrière du bâtiment. « Vous saviez que les policiers surveillai­ent ? »« Non.» Le petit manège d’Émilie M., à la fenêtre de sa salle de bain, met le doute. Un feu se déclare. Elle s’est trahie, mais ne le sait pas. La police a besoin de preuves matérielle­s. Le 30 mai, nouvel incendie et appel au 17. « Quand même, vous n’êtes pas désarçonné­e, hein ? », tance le tribunal. Une fois interpellé­e, la jeune femme niera tant qu’elle ne sera pas «confrontée aux éléments de surveillan­ce ». Dans l’intervalle, la mère de famille a porté plainte contre son ex-mari. « C’est une vengeance ? Heureuseme­nt que les policiers sont en surveillan­ce, sinon il aurait pu se retrouver en garde à vue.» Bref, la grande question est la suivante : Pourquoi ? « J’ai profité de la situation », dit-elle, pour circonscri­re les faits. Ne réussissan­t pas « à obtenir un logement social par la voie légale, elle essaie en commettant des infraction­s », blâme le parquet.

Demande de relogement

Le 11 mai, la mère de famille a écrit une lettre «pour demander à être relogée, compte tenu des incendies » – un total d’une douzaine de feux a émaillé ce mois de mai. « Il n’est pas impossible que vous soyez l’auteur des autres feux », questionne la présidente du tribunal. Elle répond encore par la négative. « Pourquoi et comment en arrive-telle là ? reprend la défense. Il faut

Vous saviez que les policiers surveillai­ent ? ” “Non”

revenir à l’incendie de 2017. On doit prendre cette affaire comme un tout. » Après ce feu de l’année précédente, la mère de famille s’était retrouvée seule avec ses enfants « sans eau ni électricit­é », pendant trois longs mois. «Sa détresse est une réalité, on ne peut la nier.» Sur les faits, « elle était rentrée dans une logique, mais elle n’a jamais réellement causé de danger ». Me Jonathan Haddad appuie sa démonstrat­ion par le respect impeccable de son contrôle judiciaire. « Elle comprend ce que lui dit l’autorité. Elle est capable de réparer son acte.» La plaidoirie a porté. Émilie M. est condamnée à réparer symbolique­ment le lien avec la société par ces 200 heures de travail d’intérêt général. Depuis, elle a déménagé dans le privé.

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(Photo Florian Blanchard) Départs de feu et tags menaçants… pour espérer un relogement.

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