Fiscalité : les recettes des retraités pour s’adapter
Serge : « J’ai réduit ma conso »
«On est pris pour des cons!» Le mot est lâché. Serge Martin a beau tenir un discours construit, équilibré, étayé, l’exclamation traduit un profond sentiment. Celui d’une iniquité de traitement. À 69 ans, Serge Martin «s’estime heureux », pourtant. Il habite un coquet appartement à Antibes, dans Alpes-Maritimes, avec «une vue mer magnifique». Retraité de l’Armée de l’air, puis de Hewlett-Packard, il a «eu une vie royale, a échappé à tout: la guerre, le chômage, le sida… » En cumulant la part Sécu et deux complémentaires, il perçoit une retraite très enviable de 2700 €. Sa femme, de dix ans sa cadette, et leurs deux fils travaillent. Pourtant, à sa façon, ce retraité est entré en résistance. « Quand Macron m’inflige +1,7 % de CSG pour aider les actifs, pourquoi pas… Mais quand je vois qu’il accorde des cadeaux à des privilégiés, qu’il baisse le permis de chasse de 200 c’est perçu comme une injustice flagrante, fulmine Serge. Il ne touche plus aux actionnaires ni aux banques, et il vient taper chez nous ! Il pourrait plutôt prélever un pourcentage sur les dividendes des gros actionnaires qui, comme nous, font plutôt partie des inactifs… » Serge a fait ses comptes. La CSG ? 54 € de plus par mois depuis février, soit plus de 600 par an. L’augmentation du prix d’un fioul copieusement taxé? «Ça va faire 3000 par an pour la copro, 300 pour nous.» Les pensions de retraite sont «bloquées depuis quatre ans », le diesel lui revient toujours plus cher et la baisse de la taxe d’habitation ne lui profite pas. Bref, « le pouvoir d’achat stagne alors que tout augmente ».
« Je n’ai rien volé à la France »
Serge Martin a donc décidé d’agir. Autant par principe que par nécessité. « J’ai réduit ma consommation. Je roule moins (je pollue moins, aussi). Donc moins de sorties et de restos – on va plutôt se faire un pan-bagnat au bois de la Garoupe, le paradis ! J’ai réduit mes abonnements Internet, téléphone et télévision. J’ai résilié plusieurs abonnements à des revues. C’est une manière de protester. En me privant un peu, je me défoule ! », sourit Serge. Oh, le quasi septuagénaire ne se leurre pas trop sur l’impact de cette action individuelle. Mais il espère que les retraités, en réduisant, comme lui, leur consommation, adresseront un message au chef de l’État. « Il nous traite de privilégiés alors qu’on ne l’est pas ! Notre argent n’est pas en Suisse, gronde Serge. Ma retraite, je n’en ai pas honte. Et je sais qu’elle partira toute entière dans l’Ehpad quand j’y serai. Je n’ai rien volé à la France. Mon père était un immigré italien, on ne m’a pas ouvert de réseaux et je comprends les gens qui ont démarré de rien. Alors, plutôt que de faire du prélèvement en bas, le gouvernement devrait prélever en haut ! » Indigné contre ceux qu’il taxe de « vampires de la société», Serge Martin exprime sa colère dans la rue, aussi. Il a participé aux défilés contre la réforme des retraites sous Sarkozy. Il ira à la manifestation organisée par la CFDT jeudi, bien que sceptique sur ce mode d’action – « je ne me sens pas intégré car je ne suis pas affilié à des syndicats ». Qu’à cela ne tienne: Serge Martin entend bien protester contre ce qu’il qualifie de «mépris ». Et continuer à jouir pleinement, malgré tout, d’une retraite chèrement acquise.