Bernard et Claudine : « Taper dans la réserve »
Ne pas se fier aux apparences. Si Bernard et Claudine Creusot vivent sur la colline huppée de Cimiez, à Nice, c’est bien parce qu’ils louent chez leur fille. Sans cela, le quartier serait inaccessible pour ce couple de Lorrains, débarqué sur la Côte d’Azur il y a pile un demi-siècle. Alors, pas question pour eux de servir de bouc émissaire d’un État en déficit chronique. « On était vraiment en colère quand on a entendu Macron pointer du doigt des privilégiés », gronde Bernard Creusot, 79 ans. Il a connu plusieurs vies professionnelles – journaliste sportif, entraîneur de clubs de basket… – et rencontré en chemin sa femme Claudine, alors téléscriptrice. Le couple a eu cinq enfants. « Ma femme ne pouvait pas travailler. Il fallait qu’elle s’occupe d’eux.» Bernard, lui, a longtemps cotisé. Et
ça le « fâche d’entendre que l’État fait des sacrifices pour payer nos retraites. La complémentaire, on a cotisé pour l’avoir ! On n’a pas à être taxé sur des efforts que l’on a fournis. »
« Trop d’injustices »
Le couple a vécu quarantecinq ans dans une maison de village à Gattières (AlpesMaritimes). Au fil des ans, la demeure est devenue inaccessible, escalier oblige. Il a fallu déménager. Et s’adapter. Aujourd’hui, le couple vit avec près de 2 000 € de retraite. « Quand je suis arrivé à la retraite en 1997, je considérais avoir une très bonne retraite. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Si on devait changer de voiture, on y réfléchirait à deux fois… confie Bernard. Les pensions de retraite ne suivent pas du tout. Elles se dévalorisent petit à petit. On tape trop sur les retraités ! » Claudine acquiesce : «Ilya trop d’injustices. Je ne suis
pas d’accord pour faire un effort sur la retraite. On ne touche pas assez… » Trop d’injustices ? Une fois encore, les symboles pèsent lourd. Bernard Creusot se dit « d’accord pour payer la CSG. Mais augmenter la CSG et supprimer l’ISF, c’est quand même malheureux ! » Certes, la hausse de cette contribution n’empêche pas les Creusot de vivre. « Mais à nos âges, on n’a pas des besoins : on a des obligations ! »
« Macron n’aime pas les vieux »
Claudine rentre tout juste d’un séjour à l’hôpital. « Quand on est vieux, tout se déglingue : les dents, les yeux, les oreilles… », souritelle. Confrontée à la chute de ses dents, elle a renoncé à un devis inabordable (23 000 pour une solution bien moins onéreuse. Le couple note, avec dépit, que « de plus en plus de médicaments ne sont pas remboursés ». Face à l’érosion d’un pouvoir d’achat grevé par les dépenses de santé, Bernard et Claudine doivent puiser dans leurs réserves. « Comme on arrive à 80 ans, il faut penser au départ. On a donc mis 6000 de côté… Et on est obligé de taper dedans. On n’arrive plus à mettre d’argent de côté. » Et pas question pour Claudine se solliciter l’aide des enfants : «Je ne veux pas!» Bernard, en revanche, sait ce qu’il veut : prendre sa revanche, dans les urnes, contre celui qu’il nomme « l’âne de l’Ena ». «Je dis à tout le monde: “Allez voter… Mais surtout, jetez le bulletin Macron à la poubelle !” » Et d’exprimer un sentiment répandu, à tort ou à raison, chez ces aînés qui l’ont naguère adulé: « Il est trop jeune pour être Président. Il n’aime pas les retraités, il est contre les vieux. »