Var-Matin (Grand Toulon)

Procès Pastor à Aix: l’ultime combat de Janowski

- CHRISTOPHE PERRIN

C’est la vie, on doit se battre. » Wojciech Janowski, 69 ans, occupe tout l’espace au douzième jour d’audience de la cour d’assises des Bouchesdu-Rhône, hier, à Aix-en-Provence, ne laissant aucune place à ses neuf coaccusés relégués au rang de spectateur­s. Pugnace comme jamais, il retrouve l’énergie du jeune émigré polonais fuyant le communisme, débarquant à Londres avec 100 livres sterling en poche. Employé de casino au Royaume-Uni puis directeur des relations publiques à la SBM à Monaco, il séduit la riche Sylvia Ratkovski-Pastor le 21 juillet 1986. « Elle me disait que ses parents étaient dans l’immobilier. Avec mon mauvais français, je croyais qu’ils vendaient des meubles… » Gérant de sociétés au moment de son arrestatio­n, Monsieur le consul de Pologne à Monaco joue gros : il répète qu’il n’a rien à voir avec le double crime sordide du 6 mai 2014 à Nice.

Labyrinthe financier

La journée est cruciale : il s’agit de connaître la réalité des finances de Firmus, Hudson oil corporatio­n, Shine, ses sociétés. L’hypothèse du juge d’instructio­n est que Janowski acculé, a ourdi l’assassinat de la milliardai­re Hélène Pastor et de son majordome, Mohamed Darwich. La cour d’assises tente de se repérer dans un labyrinthe de sociétés dont le seul point commun est qu’elles ne rapportaie­nt pas un zloty. On voyage beaucoup (Luxembourg, Chypre, Dubaï, Ottawa, Monaco, Varsovie…), on transite par des paradis fiscaux, des sociétés offshore sans parvenir à comprendre ces circuits financiers opaques. L’évidence affleure au fil des débats : Wojciech Janowski n’avait comme seules ressources « que » les 500 000 euros que sa belle-mère versait mensuellem­ent à Sylvia Ratkovski-Pastor et s’acoquinait avec des compatriot­es peu recommanda­bles.

« Pas son héritier »

« Et alors ?, s’emporte Me Dupond-Moretti. Quel est le lien avec la mort d’Hélène Pastor ? Janowski n’était pas son héritier. » La défense reproche à l’avocat général Bruno Cortès d’avoir fait citer « pléthore de témoins » qui ne servent qu’à complexifi­er la situation. L’accusation réplique : « C’est la défense qui a invité le juge d’instructio­n à pousser les investigat­ions financière­s. » Elle pourrait ajouter que Me Dupond-Moretti a habilement empêché un enquêteur de la police judiciaire de Nice d’exposer, au début du procès, une synthèse de la situation.

« Monnaie de singe »

La défense estime aujourd’hui que le volet financier « pourrit l’audience. On a construit de toutes pièces

un mobile financier », critique Me Dupond-Moretti. On est au contraire au coeur de l’affaire, soutiennen­t les avocats des parties civiles, y compris Me N’Guyen-Phung, le conseil du très effacé coaccusé Pascal Dauriac. À l’instar des enquêteurs, Mes Roubaud, Mattei et consorts restent persuadés que les mauvaises affaires de Janowski, notamment en Pologne, l’ont poussé à éliminer la mère de sa compagne. « Les actions de Hudson oil corporatio­n sont surévaluée­s ? D’accord mais en quoi ça incite à tuer sa bellemère ? », persiste Me Dupond-Moretti. Une partie de ces actions qualifiées de « monnaie de

singe » par Me Gérard Baudoux, était censée payer le rachat d’une raffinerie en Pologne pour 26 millions d’euros. La vente a été annulée par la justice polonaise. Me Luc Febbraro, l’autre avocat de Janowski, fait mine de l’ignorer, se moque d’articles de presse polonais qui, à défaut d’une expertise financière complète, ont été versés au dossier par l’accusation. Wojciech Janowski, malgré son costume toujours impeccable, n’est sans doute pas sorti indemne de ce bourbier polonais. Le vendeur de la raffinerie, à l’image des parties civiles, y voit l’élément déclencheu­r du double assassinat. Droit dans ses bottes, Janowski n’hésite pas à rabrouer, d’un ton cassant, ses contradict­eurs, rectifie le mauvais accent anglais d’un avocat, intime à un autre de se rasseoir. « Ça peut vous rendre détestable mais vous êtes debout, remarque Me Dupond-Moretti. Ça vous vient d’où ce tempéramen­t ? » « C’est la Pologne qui m’a construit. Ceux qui vivent dans un pays libre ne peuvent pas comprendre. »

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(Dessin Rémi Kerfridi) Wojciech Janowski au côté d’Abdelkader Belkhatir.

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