Au procès Pastor, le coach: «Tout est parti en vrille»
Depuis le début de la semaine au tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, Pascal Dauriac, celui qu’on nomme « le coach sportif », a été relégué au fond du box de la cour d’assises des Bouches-duRhône pour des raisons de sécurité. Loin des cinq autres accusés qui sont au premier rang. Eux nient ou minimisent leur participation aux assassinats de la milliardaire Hélène Pastor et de Mohamed Darwich, son majordome, survenus le 6 mai 2014 à Nice. Lui, depuis ses aveux de garde à vue, n’a jamais varié d’un iota dans ses déclarations. Il reconnaît avoir cédé aux demandes de Wojciech Janowski, l’un de ses prestigieux et généreux clients monégasques. Il avoue avoir pris une part active dans la préparation des crimes. «M. Dauriac, nous allons évoquer votre personnalité », avertit le président Pascal Guichard, très urbain dans sa manière de diriger les débats.
En maison de correction
L’intéressé sort de sa torpeur. Depuis le début du procès, il garde le plus souvent les yeux clos, semble méditer, lui qui, à l’instar de son père, s’intéresse à l’hindouisme et au bouddhisme. La cour d’assises veut comprendre comment cet homme sans casier judiciaire, élevé dans la non-violence, a pu se retrouver mêler à une telle entreprise crapuleuse. « Je suis né à Montpellier [Hérault] il y a presque cinquante ans, indique l’accusé avec un calme qui confine à la sérénité. Mes parents travaillaient dans un laboratoire d’analyses médicales. » Entouré de l’affection de ses parents et de ses deux soeurs aînées, Pascal Dauriac raconte sa vie avec des mots choisis, gêné d’exposer en public des fêlures intimes. Le président est notamment intrigué par ce placement en maison de correction à 12 ans. Nul ne comprend pourquoi ce garçon hyperactif, dont les résultats scolaires s’étaient d’un coup effondrés au lendemain du divorce de ses parents, s’est retrouvé pendant deux ans en Lozère au milieu de petits caïds. « Ce centre, c’était un peu compliqué pour moi », admet-il, sans vouloir s’étendre. « Vous l’avez ressenti comme une trahison, un abandon », l’aide le président en se référant au rapport de l’enquêteur de personnalité. « Je devais être un cas… mais je n’ai pas la réponse encore aujourd’hui. »
« Excellente réputation »
M Jean-Robert Phung, son avocat, intervient
e : « Cette séparation a-t-elle à voir avec une attitude délictuelle ? » « Absolument pas », répond l’accusé qui continue de dérouler sa vie. CAP de peintre en poche, il travaille pendant six ans dans le bâtiment. Il reprend ses études et devient coach sportif, sa passion, tout en se formant au massage. À la faveur d’une mutation de son amie, le professeur de gymnastique s’installe sur la Côte d’Azur. « Manifestement, vous aviez une excellente réputation », note le président Guichard. Ses richissimes clients collectionneurs de Ferrari ou de Picasso lui auraient-ils fait tourner la tête ? Il s’en défend, lui qui a reçu une éducation protestante : « C’étaient des rencontres très intéressantes », commente l’accusé d’un ton neutre.
« Et j’ai participé à un double assassinat »
Le président s’étonne qu’il n’ait jamais déclaré les moindres revenus. Dauriac poursuit avec un calme olympien : « Je gagnais environ 2 500 euros par mois en travaillant neuf mois sur douze. » L’avocat général va-t-il le poursuivre pour fraude fiscale ? Pierre Cortès préfère insister sur « un père, notable, à la personnalité écrasante » qui expliquerait le manque de confiance caractérisant Dauriac. À son épanouissement professionnel s’ajoute la rencontre avec Sabrina. L’amour de sa vie à qui il consacre beaucoup de temps. Une évocation qui lui fait briser l’armure : « On s’est plu tout de suite. On a vécu ensemble à Èze-village. C’était formidable. » Il retient ses larmes. « Tout était parfait. Nous avions des projets. Je n’en revenais pas et pourtant je ne dormais plus. Tout est parti en vrille en quelques mois. Tout s’est assombri… Et j’ai participé à un double assassinat. » À l’autre extrémité du box, Wojciech Janowski, le commanditaire présumé du double assassinat, homme au caractère volcanique, continue de nier avec vigueur toute responsabilité malgré ses aveux en garde à vue. Il se décharge sur son coach qu’il présente comme un chef de bande, un racketteur. Qui imposait sa loi ? Difficile, à l’issue du récit de Pascal Dauriac, de déceler chez lui cette part d’ombre que lui prête Janowski.