Var-Matin (Grand Toulon)

«Mon frère, Pascal a pris la mesure de l’horreur»

Hier, Anne Dauriac, l’une des soeurs du coach sportif accusé d’avoir organisé le double assassinat de l’affaire Pastor, a pris la parole pour raconter l’enfance de son jeune frère

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Dans les années quatre-vingt-dix à Nice, Pascal Dauriac était entraîneur à domicile. «À l’époque on ne disait pas encore coach sportif, c’est venu plus tard. Pascal était précurseur.» C’est Anne Dauriac qui s’exprime. L’une des trois soeurs de celui qui est accusé d’avoir organisé les assassinat­s d’Hélène Pastor, la milliardai­re monégasque, et de son chauffeur, Mohamed Darwich. Depuis le 17 septembre, à Aix-en-Provence, la cour d’assises des Bouchesdu-Rhône juge dix accusés. Son frère, Pascal, 48 ans, habitait Èze au moment de l’assassinat. Anne Dauriac, 50 ans, mince, cheveux châtains attachés, châle élégant sur les épaules, parle avec calme, les doigts fermement posés en chevalet sur la barre des témoins. Elle décrit son incompréhe­nsion à l’annonce de l’implicatio­n de son frère. « Quand le drame est arrivé, j’ai appris ça par maman. J’ai été complèteme­nt KO. C’est effroyable. Ce n’est pas acceptable.» Elle se tourne avec compassion vers les parties civiles. Un long regard en direction de Gildo et Sylvia. Les enfants d’Hélène Pastor ne cillent pas. Son petit frère ? Elle vient compléter le portrait déjà esquissé ces dernières semaines. Elle décrit un garçonnet « vif, sportif, aimant beaucoup faire des blagues.» Biberonné comme elle, par leurs parents, aux valeurs « humanistes profondes ». Chaque cueillette de champignon­s servait de prétexte à leur papa, biologiste de formation, pour des leçons de botanique. Quant à sa maman – qui habite une maison de village à Cagnes-sur-Mer – Anne Dauriac témoigne qu’elle leur a transmis « une forme de rigueur et d’organisati­on ». Voilà pour le cadre « plutôt favorable » comme le qualifie le président de la cour d’assises, Pascal Guichard. La vraie fêlure : le divorce des parents. La grande soeur se souvient que son frère était par la suite devenu « agité ». Elle évoque ses fragilités, des « problèmes de concentrat­ion en classe au collège». Un « Speedy Gonzales en quelque sorte », résume Pascal Guichard. Elle acquiesce. Dauriac est alors placé dans un centre de redresseme­nt à l’âge de 12-13 ans sur décision de sa mère. Il y fréquente des petits délinquant­s. «Il lui en a toujours voulu », confie Anne Dauriac. Son cousin germain, Pierryl Peytavi, appelé à la barre, confirme qu’il en a souffert. Après un BEP de peintre en bâtiment, Pascal Dauriac bifurque vers le sport. Direction le Creps, l’école du sport de Montpellie­r (Hérault). Il y passe deux années heureuses aux côtés de son cousin. Naît une véritable amitié. Course à pied, tennis, foot : « Il était très motivé, passionné. » Brevet d’état en poche, Dauriac poursuit ses études à Bordeaux (Gironde) puis atterrit sur la Côte d’Azur. Sa petite amie de l’époque y a dégoté un job. « Il a trouvé un emploi dans une associatio­n de quartier à Nice, puis est devenu prof de gym et masseur chez des particulie­rs. Il avait imprimé plein de tracts qu’il déposait dans les boîtes aux lettres. Ça a commencé comme ça. Je l’admirais, il était très travailleu­r. Il partait à 6 heures avec sa petite voiture pleine de matériel de sport et revenait tard le soir, fatigué », se souvient Pierryl Peytavi. Dauriac perce. Malgré un divorce, il se fait une place dans la très sélect société monégasque. Une cliente le conseille alors à Sylvia Ratkowski-Pastor. La suite on la connaît. Il donne des cours au couple. S’installe une relation ambiguë entre Wojciech Janowski et lui. Pierryl Peytavi assure que son cousin était en recherche d’une « figure paternelle ». Janowski, selon Dauriac, lui aurait dit : « Je pourrais être ton père, le parrain de ton futur enfant. » Le coach ézasque affirme avoir été manipulé. Anne cite aussi cette phrase attribuée à Janowski que son frère lui a confiée : « Tu es un peu comme le fils que je n’ai jamais eu. » Elle raconte une conversati­on avec son frère à l’été 2012. Année cruciale dans cette affaire. Celle du cancer du sein de Sylvia Ratkowski. Celle où le gendre de la milliardai­re mesure peut-être que si sa compagne vient à disparaîtr­e, il ne sera plus rien. La haine que lui voue sa belle-mère risque de le propulser à la rue si sa conjointe – qui refuse deux fois le mariage cette année-là – ne survit pas. Celle où il achète un yacht et s’enferre dans le même temps dans ses affaires polonaises. Celle où Janowski demande pour la première fois une arme à Dauriac. Cet été là, ce dernier avait reçu une offre. « Wojciech Janowski lui avait proposé de travailler pour lui comme salarié, 2 500 euros déclarés, peut-être un logement au bout. » Sa mère indique aux enquêteurs : «Mon fils trouvait Sylvia courageuse dans la maladie. Janowski donnait de bons conseils à mon fils. » Dauriac – qui appelait son patron Pastor et pas Janowski – disait vouloir réfléchir à la pro position. Puis vient l’assassinat le 6 mai 2014. L’incompréhe­nsion. L’abîme. Où situer le point de bascule? Encore aujourd’hui, c”hez les Dauriac, personne n’a la réponse à cette vertigineu­se question. Le coach évoque un « engrenage infernal ». En prison, il donne depuis des cours de sport, participe à un atelier vidéo, surveille son alimentati­on. «Il a pris depuis longtemps la mesure de l’horreur », affirme sa soeur. Dans le box, Pascal Dauriac écoute, yeux fermés. La famille ne l’a pas lâché. Une autre de ses soeurs est dans la salle d’audience. Anne Dauriac dit avoir essayé sans succès de comprendre : «Cela ne lui ressemble pas. Là où je le retrouve depuis, c’est dans le fait qu’il assume. Il le doit aux familles des victimes, il le doit à sa famille. On le soutiendra toujours. »

J’ai été KO ” Tu es un peu le fils que je n’ai jamais eu”

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(Photo Pierryl Peytavi) Pascal Dauriac, le coach sportif.

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