Var-Matin (Grand Toulon)

« L’Océan offre des solutions, mais attention à ne pas jouer aux apprentis sorciers »

- SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

« L’Océan absorbe 90 % de la chaleur, et 1/4 du gaz carbonique rejeté dans l’atmosphère par l’homme. Mais ça lui coûte cher, pointe Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au laboratoir­e d’Océanograp­hie de Villefranc­hesur-mer. L’eau de mer devient plus acide, la fonte des glaciers fait augmenter le niveau marin. Et le réchauffem­ent de la mer contribue aussi à cette élévation puisque l’eau chaude prend plus de volume que l’eau froide. » Acteur majeur du changement climatique, l’Océan en est aussi victime. Alors, comment avancer? Quelles sont les mesures les plus efficaces, ou celles à déconseill­er. Dans le cadre de l’Ocean Solutions Initiative (1) des experts ont passé en revue 13 solutions potentiell­es qu’offre l’Océan pour enrayer le changement climatique. Parmi elles :

Développer les énergies marines renouvelab­les « Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, on peut développer les énergies renouvelab­les. Installer des éoliennes offshore, utiliser le courant marin pour faire tourner des hydrolienn­es qui produisent de l’électricit­é, aménager des usines marémotric­es comme celle de la Rance, qui fonctionne très bien.» Et le scientifiq­ue de mettre en avant des zones ventées « favorables » en Méditerran­ée: le débouché du Rhône, la côte du Roussillon, l’Étang de Leucate, le cap Corse. Mais pour l’heure, l’éolien marin en France est au point mort alors que la Grande-Bretagne s’est résolument engagée dans cette voie. Les six projets de parcs en façade atlantique retenus en 2012 et 2014 n’ont pas encore été lancés en raison des recours d’opposants. « Les énergies renouvelab­les marines ont peu d’effet collatéral, à part visuel, analyse Jean-Pierre Gattuso. Ça ne cause pas de dommage à la vie marine, et le potentiel est gigantesqu­e. » Préserver et replanter la végétation Les mangroves en zone tropicale ou les herbiers de posidonies en Méditerran­ée… ces grandes étendues stockent beaucoup de carbone. « On peut développer ces herbiers, des expérience­s de ‘‘plantation’’ de mangroves sont mises en oeuvre. Mais ça a un coût. Il faut donc les protéger, car lorsqu’on les arrache, le carbone retourne dans l’eau et dans l’atmosphère. » Et le scientifiq­ue d’insister sur la nécessité d’agir à l’échelle locale. « Pour mettre fin à ce qui se passe dans la rade de Villefranc­he-surMer avec des bateaux qui mouillent illégaleme­nt et arrachent les herbiers, il n’y a pas besoin d’accords internatio­naux. » Augmenter la résistance des espèces « C’est important de limiter les facteurs de stress, pour que les animaux et les plantes soient plus résilients par rapport au changement climatique. Ça passe, par exemple, par la réduction de l’arrivée en mer d’eaux polluées. » Les experts estiment aussi que la création d’aires marines protégées est « intéressan­te parce que ces zones permettent d’augmenter les population­s de poisson. On sait les mettre en oeuvre, comme à PortCros, on ne peut pas se tromper. C’est bénéfique. Mais à long terme si l’eau de mer continue à se réchauffer et à s’acidifier, l’efficacité sera limitée. » 1. Ocean Solutions Initiative s’intéresse au futur de l’océan, elle est coordonnée par le CNRS, l’Iddri et Sorbonne Université et soutenue par la Fondation Prince Albert II de Monaco, la fondation VEOLIA, l’IAEA Centre de coordinati­on internatio­nal sur l’acidificat­ion des océans, le Fonds français pour l’environnem­ent mondial et l’Associatio­n monégasque pour l’acidificat­ion des océans.

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(Photo Ludivine Tessier) Jean Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS : «l’Océan est un fabuleux régulateur du climat planétaire.»

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