La fosse aux illusions
Il est marrant, Benjamin Griveaux ! A écouter le porte-parole du gouvernement, Emmanuel Macron désire s’entourer de «personnalités compétentes, reconnues dans leur secteur » et « rompre avec les pratiques qui voulaient qu’on change un ministre en quelques heures ». C’est bien connu, ses prédécesseurs se précipitaient pour nommer les premiers zozos venus ! Les pouvoirs passent, l’art de nous prendre pour des billes perdure. La réalité est plus triviale, plus sidérante également. Pour un Eric Ciotti qui rêve d’être, un jour, ministre de l’Intérieur (on n’ose le suggérer au Président), combien d’autres qui freinent des quatre fers. C’en est indécent. Certains vont jusqu’à se décerner un brevet de bravoure pour justifier leur refus. Ainsi de Mathieu Klein, président socialiste de la Meurthe-et-Moselle. Celui-ci a lui-même tambouriné avoir décliné le poste ministériel qu’on lui aurait proposé, avançant en substance qu’il avait beaucoup mieux à faire en Lorraine. Pour l’exécutif, le casse-tête se double de vexation. Et cela crée des dégâts. Sur les réseaux sociaux, les moqueries de tous ceux pour qui la politique n’est que vacuité se déchaînent. On y rappelle volontiers que la Belgique est restée privée de gouvernement officiel jours, entre et , sans que le pays parte pour autant à vau-l’eau. L’Irlande du Nord, sans gouvernement depuis janvier , est en train de pulvériser ce record. Même la sacro-sainte Allemagne, tellement vantée, a dû en passer par quatre mois de tractations pénibles pour accoucher de son actuel gouvernement cet hiver. En regard, notre dizaine de jours
de flottement tient de l’anecdote. Mais elle en dit long. Sur la fragilité d’un pouvoir encore novice, comme sur la terrible conviction des grands édiles locaux qu’ils peuvent davantage faire fi des pesanteurs et changer la vie dans leurs fiefs, là où chaque décision prend une traduction tangible, quasi immédiate et, très souvent, populaire.
« La Belgique est restée 541 jours sans gouvernement. »