Var-Matin (Grand Toulon)

Michel Drucker : « Vieillir sans devenir vieux »

L’animateur rêve de devenir centenaire, mais pas n’importe comment. Toujours fou amoureux de son métier, il évoque cette quête dans un ouvrage paru aux éditions Robert Laffont

- PROPOS RECUEILLIS PAR JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Pendant deux ans, il a dû ronger son frein. Son émission culte, Vivement dimanche, avait été effacée de la grille des programmes. L’inamovible Michel Drucker, apparu pour la première fois sur les écrans en 1964, a failli faire partie de ces «hommes blancs de plus de 50 ans » que Delphine Ernotte, présidente de France Télévision, avait dans la ligne de mire. Revoilà l’animateur de retour dans son fauteuil rouge, tous les dimanches à partir de 14 h 25. Regonflé à bloc, « avec des projets pour vingt ans dans la tête», il vient également de publier Il faut du temps pour rester jeune. Un cinquième ouvrage « qui s’adresse à tous ceux qui ont peur de prendre de l’âge ».

Pourquoi avoir écrit ce livre ? Je suis obsédé par le fait de bien vieillir. J’ai voulu raconter ça avec le plus d’humour possible, avec de la dérision. Vieillir, c’est inéluctabl­e. Mais mon challenge, c’est de vieillir sans devenir vieux, comme disait Charles Aznavour. D’ailleurs, vous parlez beaucoup de lui et le citez comme modèle… Charles, c’était mon voisin dans les Alpilles. J’allais régulièrem­ent le consulter, comme un oracle. Ma femme l’a connu avant moi, dans les années . Et on avait Johnny comme ami commun. Il me disait : « Dans votre prochain spectacle, il faut que vous chantiez une chanson. À votre manière, vous êtes capable de le faire. » Il insistait sur une chose : « Tant que le stress est positif, tant que vous avez peur que ça ne fonctionne plus, c’est bon. De toute manière, vous cachez bien tout ça à l’antenne. ». C’est lui qui m’a aidé à trouver le titre de ce livre.

C’est-à-dire ? J’avais pensé à Ça vous fait quel âge, déjà ? C’est la question que les contrôleur­s du TGV me posent tout le temps quand je tends ma carte senior. Aznavour trouvait que je pouvais faire mieux. Il faut du temps pour rester jeune m’est venu, deux heures après. Il m’a dit : « C’est ce titre-là, évidemment. Il y a la notion de temps, certes. Mais il y a la notion de jeunesse. Cela suppose que le meilleur est à venir. » Votre femme vous pousse à arrêter ? Elle [Dany Saval, une ancienne actrice, ndlr] voit le stress que cet environnem­ent peut procurer. Elle me dit que le public est infidèle et qu’à un moment donné, il faut passer le relais. Je l’ai connue à  ans. Elle m’a dit : « Écoute, il n’y a pas la place pour deux. Pars ramener des bonnes notes et je m’occupe du reste. »

Le travail est votre drogue ? Je suis content de cette dépendance. Mon père était aussi accro à son métier de médecin. Quand on a une passion, on veut aller jusqu’au bout. Moi, je veux mourir en bonne santé, après avoir fait une émission de télé. Ou alors après une sortie à vélo. Tant que je ne deviens pas grabataire, ça m’ira bien… Vous accordez une grande importance à votre hygiène de vie… Je suis fils et frère de médecin. Je viens du sport, je suis hypocondri­aque. Je connais tous, tous, tous les moyens de rester en forme. On fait un métier d’image. Tout est public, tout est visible. Surtout quand on fait une émission hebdo.

Vous avez toujours eu conscience de la durée de vie limitée dans ce monde médiatique ? Dès mon arrivée à l’antenne, à  ans, je m’en suis inquiété. J’étais autodidact­e et je ne pensais qu’à rester là. Même derrière, comme technicien. Les circonstan­ces ont fait que j’ai franchi une barre de plus à chaque fois, à ma grande surprise. Tout cela a été progressif, très longtemps, avec beaucoup de travail. Je me suis aperçu qu’on est toujours remplacé par quelqu’un de plus jeune. Moi-même, quand j’ai commencé Champs-Elysées, j’étais l’homme de l’après Guy Lux. Puis j’ai remplacé Jacques Martin. C’était LA grande star. On lui avait fait comprendre qu’il avait fait son temps. Je m’y attends aussi, ce serait tout à fait normal. Mais j’aurais vraiment réussi ma carrière en partant au bon moment.

Vous n’êtes jamais fatigué ? La passion et le succès engendrent une fatigue différente. Ce n’est pas celle de l’ennui ou de l’échec. Quand j’arrête, l’été, j’ai l’impression de tourner au ralenti. Et personne ne m’appelle. Là, je suis crevé [jeudi dernier]. J’ai fait trois Vivement dimanche. Je viens d’enchaîner

les interviews et ce soir, j’enregistre On n’est pas couché, une émission très longue. J’ai un planning démentiel pendant deux mois. Je ferai des salons du livre, j’irai au Canada, en Belgique…

Vous avez peur de la mort ? La mort ne me fait pas peur. C’est le fait d’être démoli physiqueme­nt qui me fait peur. Mourir en sortant d’un plateau, ça me va bien, hein. Ou aux commandes d’un avion, ou sur mon vélo, si c’est une mort subite. Je veux terminer ma vie de façon passionnée. Et puis j’ai choisi de faire comme Raymond Devos dans l’un de ses sketches : j’ai décidé d’arrêter de vieillir il y a dix ans.

J’ai une passion et je veux aller jusqu’au bout” Quand j’arrête, j’ai l’impression de tourner au ralenti ”

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(Photo Nikos Aliagas)

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