Duel de titans devant les plages du Mourillon
Franck Cammas et Ben Ainslie, les deux titans de la voile engagés sur ce circuit, se sont livrés une énorme bagarre toute la journée. Et ont offert un superbe spectacle
Il a fallu attendre un peu. Que les pluies torrentielles s’arrêtent. Que la houle s’apaise. Et que Norauto se fasse prêter un foil par ses compatriotes et concurrents de Zoulou, après avoir endommagé un des siens, hier. Il a fallu un peu de temps pour que toutes les planètes s’alignent. Mais ça valait le coup d’attendre ! Dans des conditions météo musclées mais extraordinaires pour le spectacle, le duel tant espéré entre deux géants de la voile mondiale a illuminé ce 13 octobre ensoleillé sur les plages du Mourillon.
Pendules remises à l’heure
Franck Cammas, le très perfectionniste et surdoué marin français, n’avait guère goûté les pépins et les résultats de la journée précédente. Et l’a fait savoir dès les premiers bords. Une première manche étincelante. Une deuxième intenable pour la concurrence. Deux régates, deux victoires. Bam ! Pendules remises à l’heure. «Tous les portants étaient assez chauds, mais ça allait forcément mieux qu’hier. On a retrouvé la vitesse qu’on avait perdue, et du coup c’était plus simple », souriait l’Aixois. Seulement, Sir Ben Ainslie et son équipage aux cinq médailles d’or olympique, sur qui Ineos a investi 117 millions de livres (environ 140 millions d’euros) – ! – pour la Coupe de l’America, n’avait sûrement pas l’intention d’abdiquer. La troisième manche, la seule du jour à ne pas être dominée par l’un des deux cadors, marquait un tournant. À la bagarre à la bouée au vent, le Britannique forçait le passage. La manoeuvre était très limite, et avait le don d’agacer et de freiner ses meilleurs ennemis français. Dans la foulée, le skipper anglais réalisait une « Cammasserie », selon les mots du « speaker » Sébastien Destremau, à savoir «une navigation millimétrée, chirurgicale ». Et s’adjugeait la 4e manche. Avant cette sublime 5e régate, excellente illustration de la journée. Seuls au monde, au coude-àcoude jusqu’à la ligne fictive d’arrivée, les deux stars du circuit se livraient une bataille sans merci. Remportée sur le fil par Ben Ainslie et ses compères. «On a fait des fois des petites erreurs, et des fois des choses très bien, concluait Franck Cammas. Les Anglais ont encore été très bons aujourd’hui, mais on les a quand même taquinés. C’était plutôt sympa. Une belle bagarre.» Bon, il sera compliqué de faire aussi spectaculaire aujourd’hui, d’autant que la météo s’annonce moins complice. Compliqué aussi de détrôner Ineos, qui a quand même pris une bonne longueur d’avance sur cette étape toulonnaise. « Mais demain, on va essayer de les mettre derrière nous, plaçait, malicieux, le skipper de Norauto, assuré de remporter le classement général quoi qu’il arrive. Un bon Anglais est un Anglais qui reste derrière...» Ça promet !