Wolfgang Cramer: «Il faut décarboniser nos vies»
Le professeur Wolfgang Cramer est directeur de recherche au CNRS à Aix-en-Provence. Géographe et écologue, il a participé à la rédaction du dernier rapport du GIEC.
Contenir la hausse de la température moyenne de la planète à ,°C ou ° voire plus, ça change quoi ? Un demi degré, ça change beaucoup de choses. Entre ,° et °, cela signifie plus d’impacts au niveau de la biodiversité, des rendements agricoles, de la hausse du niveau de la mer, etc. Mais actuellement contenir la hausse moyenne des températures, même à degrés, est quelque chose qui semble optimiste.
Cela signifie-t-il que l’on n’y arrivera pas ? Aujourd’hui, on n’est pas en route pour les degrés. La trajectoire sur laquelle nous sommes aujourd’hui, c’est plutôt ,°C à °C de hausse, au niveau global. Les mesures prises pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre sont, pour l’instant, très insuffisantes.
Que faut-il faire ? Il faut faire mieux et pour faire mieux, il faut de grandes transformations sociétales. Surtout, il faut aller vers la neutralité carbone. Il faut décarboniser nos vies, transformer toutes nos activités dans un mode qui n’émet pas de gaz à effet de serre. Cela signifie que toute émission de carbone doit être compensée par un retrait de carbone dans l’atmosphère. Il faut aller vers la suppression de toute utilisation des hydrocarbures pour les transports, par exemple.
Est-ce que ce sera suffisant ? Pour retirer ce carbone qui arrive dans l’atmosphère, il faut aussi s’engager vers une gestion des écosystèmes terrestres et marins, des forêts, des terres agricoles... Le but est de leur permettre de capter et stocker d’une façon maximale le carbone. Les arbres mais aussi les plantes aquatiques comme la posidonie s’en chargent grâce à la photosynthèse. L’acidification de la mer, due au réchauffement climatique, empêche certains organismes à coquilles de fonctionner, comme les moules, mais aussi comme le plancton qui nourrit toutes autres espèces en mer, les baleines entre autres. Ce réchauffement permet aux espèces «invasives» qui rentrent par le canal de Suez, de s’établir en Méditerranée, au détriment d’espèces qui sont présentes actuellement. C’est une menace pour la pêche mais aussi pour l’aptitude de la mer à résister au changement climatique, à stocker le carbone, notamment. Une gestion des pêcheries plus durable, est aussi nécessaire pour maintenir une biodiversité plus résiliente aux impacts du changement climatique.
Cela suppose de grandes remises en cause ? Il faut s’interroger sur ses choix personnels et sur leur impact sur l’environnement. Partir en vacances en avion quelques jours, cela émet d’énormes quantités de carbone dans l’atmosphère. Peut-on continuer à faire cela ? Est-ce que des transports basés sur les énergies fossiles – diesel ou essence – sont compatibles avec le changement climatique ? Ce n’est pas le cas. On ne peut pas faire, en même temps une politique pour le climat et une politique qui encourage l’utilisation des voitures. C’est totalement incohérent. D’autant qu’il existe plein d’alternatives – vélo, transports en commun... – et celles-ci peuvent facilement être développées pour devenir de réelles options. Qu’est-ce qui semble facile à réaliser ? Il n’est pas nécessaire, par exemple, d’emballer les aliments dans trois couches de plastique et de carton, juste pour être joli dans le magasin. Il est souvent possible de se déplacer à vélo ou en véhicule électrique, ou faire ses courses à pied, surtout si nos villes sont aménagées pour cela. Ce n’est pas seulement des actes à titre individuels, les choix politiques doivent favoriser cela. J’ai le sentiment que le nord de la France – Paris, Grenoble... – est plus avancé que le sud dans ces choix.