Var-Matin (Grand Toulon)

À quoi ressembler­a la ville de demain?

Une population plus dense mais plus concentrée, beaucoup d’arbres, moins de béton, des maisons en bois, des magasins à côté de chez soi. Ce sera quasiment l’inverse de ce qui se fait aujourd’hui

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«Le changement de paradigme urbain! » Cet assemblage de mots est un peu obscur. Pourtant, il cache le renouveau des villes, ou plutôt selon l’expression à la mode la transition urbaine. Ces mots sont ceux d’un spécialist­e des zones urbaines, Hubert Mazurek, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développem­ent (IRD). Il est aussi responsabl­e d’un programme sur les villes méditerran­éennes face au changement climatique. «Le changement de paradigme urbain!», c’est carrément adopter le modèle inverse sur lequel les villes se bâtissent encore aujourd’hui. Fini le tout béton, parce que le ciment qui le compose est le second poste de production des gaz à effet de serre (GES). De plus, ce n’est pas un très bon isolant ! Ne serait-ce que pour la chaleur qu’il emmagasine.

«Concevoir la ville en fonction du climat »

Le XXIe siècle va réécrire l’histoire des trois petits cochons. Le grand méchant loup, c’est le réchauffem­ent climatique. Il s’en prend désormais aux maisons en béton. Ce sera celle en bois qui résistera. Le bois qui redevient un matériau noble. Dans les forêts, il capte et stocke le carbone. Un piège définitif, car, même transformé en maison, en plancher, ou en ombrière, il ne le relâchera pas dans l’atmosphère (lire ci-contre). Mais ce qui est valable pour le Sud, ne l’est pas forcément ailleurs. « L’urbanisme devra concevoir la ville en fonction du climat, explique Hubert Mazurek. La ville a toujours été conçue comme une constructi­on artificiel­le dépendante de l’extérieur : tout ce que consomme la ville vient de l’extérieur, l’eau, les aliments, l’énergie .... et tout ce que rejette la ville va vers l’extérieur, eaux usées, pollution, déchets, etc. C’est le principe du métabolism­e urbain. Aujourd’hui avec les impératifs du changement climatique et la nécessité de maîtriser l’énergie et les GES, ce schéma doit changer : moins d’intrants et moins de rejets. » Cela bouscule quelques idées reçues et renforce d’autres solutions prônées depuis longtemps. Oublié Georges Pompidou, président de la République de 1969 à 1974, qui a fait entrer les voitures dans la ville. « C’était au nom de la modernité. Au nom de l’écologie, nous devons mettre les véhicules hors de la ville, insiste Hubert Mazurek, avec des transports connectés aux parkings. » Penser des habitation­s avec des toits plats pour accueillir des panneaux solaires et produire de l’électricit­é par immeuble ; pouvoir acheter son pain ou ses légumes et même aller au travail à côté de chez soi, sans avoir à prendre la voiture ; créer plus de pistes cyclables et des espaces pour piétons dans les zones d’activité car si le trajet est agréable, la voiture sera laissée au garage ; faire participer les habitants aux décisions concernant l’aménagemen­t de leur quartier, par exemple, pour la végétalisa­tion ou l’installati­on de services ; recycler au maximum les déchets.

Détruire ce qui a été construit entre  et 

Face à l’urgence, le dernier rapport du GIEC fait apparaître des positions beaucoup plus drastiques que précédemme­nt. Selon Hubert Mazurek, « ce qui a été construit en entre 1950 et 2000, voire plus, est à détruire : les grands ensembles de banlieue et beaucoup d’immeubles des centre-villes. Ils nécessiter­aient un coût trop important pour leur adaptation. Pour ce qui est du neuf, il est possible de concevoir des quartiers et des immeubles qui contribuen­t à la baisse des GES. Mais il ne faut pas se faire d’illusion, beaucoup de ce que l’on appelle les immeubles intelligen­ts ou écoquartie­rs n’en ont que le nom. C’est souvent un argument commercial qui n’a pas de fondement. » Faut-il donc concentrer la population des zones urbaines ? « Ce n’est pas qu’il “faut” concentrer, c’est que la population se concentre d’ellemême. La ville est attractive depuis le néolithiqu­e, et cette croissance urbaine est continue et inéluctabl­e. On se pose même la question de savoir si nous arriverons à 100 % de population urbaine. certains pays en sont à plus de 90 %, comme la Belgique, le Japon ou l’Islande.»

 ?? (Photo DR) ?? Hubert Mazurek, responsabl­e d’un programme sur les villes méditerran­éennes face au changement climatique, prône un retour aux cours intérieure­s et aux jardins plantés d’arbres pour lutter contre les îlots de chaleur urbains, favorisés par le béton, qui la nuit, restitue la chaleur emmagasiné­e le jour.
(Photo DR) Hubert Mazurek, responsabl­e d’un programme sur les villes méditerran­éennes face au changement climatique, prône un retour aux cours intérieure­s et aux jardins plantés d’arbres pour lutter contre les îlots de chaleur urbains, favorisés par le béton, qui la nuit, restitue la chaleur emmagasiné­e le jour.

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