Var-Matin (Grand Toulon)

Procès Pastor: «Dauriac a besoin de silence et d’oubli»

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Lese mains dans le dos, M Jean-Robert Phung, arpente les travées de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, concentré à l’extrême. Après quatre semaines de procès, la parole est à la défense. Le pénaliste se place à la barre, au centre du prétoire et de toutes les attentions pour porter la voix de Pascal Dauriac, 50 ans, si effacé dans le box des accusés. Vendredi, l’avocat général Pierre Cortès a requis trente ans de réclusion criminelle contre le coach sportif ézasque, accusé de « complicité d’assassinat­s et associatio­n de malfaiteur­s». Il a été un rouage essentiel entre le commandita­ire et les exécutants du contrat qui a coûté la vie à Nice, le 6 mai 2014, à la milliardai­re Hélène Pastor et à son majordome Mohamed Darwich. Me Phung l’admet d’emblée: « Je plaide pour une énigme, je prends la parole pour une aberration. Je plaide un ange déchu qui ne se relèvera jamais. » Rien dans l’enfance de Dauriac ne peut émouvoir les jurés. Le défenseur écarte d’un revers de manche « la faille abandonniq­ue », avancée par un expert.

« Ni compassion ni indulgence»

Dauriac se présente repentant et vient chercher condamnati­on. «Pas une repentance comme monnaie d’échange», précise son conseil. Dauriac ne demande ni compassion ni indulgence. « La compassion est destinée aux victimes, à ceux qui souffrent » rappelle l’avocat en se tournant vers la famille Pastor. Me Phung poursuit dans la même veine : «Ce n’est pas un bon parmi les brutes, le gentil parmi les méchants, l’agneau parmi les loups. »Il a été démontré le rôle actif de Dauriac dans l’organisati­on du guet-apens sanglant. En revanche, son avocat exige que son client soit condamné « pour les crimes qu’il a commis, pas pour la vérité qu’il dénonce ». En prison, il est considéré injustemen­t comme « une balance », il est menacé. D’autres ont pourtant avoué avant lui… Le 23 juin, au moment des interpella­tions, les enquêteurs de la police judiciaire de Nice « redoutable­s d’efficacité», selon les mots de Me Phung, ont déjà le scénario et l’ensemble des protagonis­tes entre leurs mains. « Je suis un accusé qui clame la vérité que personne ne veut croire. Je ne suis pas venu chercher les trente deniers de Judas. Je n’ai trahi personne à part ma mère, mon frère, ma soeur », martèle la défense.

Endoctrine­ment

Depuis lundi matin, les demandes d’acquitteme­nt, à tort ou à raison, se succèdent. Dauriac, lui, n’a jamais varié d’un iota. Il a désigné le commandita­ire, Wojciech Janowski, gendre d’Hélène Pastor. Me Phung évite de le nommer. Il parle de « l’employeur »:« De deux choses l’une, soit Dauriac ment et son employeur est innocent soit son employeur dit la vérité et Dauriac est coupable de tout. » On l’a compris, Me Phung ne croit pas une seconde que son client, si solitaire, si casanier, soit « un criminel démoniaque à la tête d’une bande organisée qui rackettait son employeur ». Comment cet homme est-il passé du banc de musculatio­n au banc des accusés ? L’argent? La promesse d’une vie meilleure ? Pas si simple, à écouter l’avocat de la défense qui rappelle que Dauriac, masseur et professeur de sport, est resté durant onze ans, un simple employé de maison chez Janowski, si riche, si puissant. Jusqu’à 2012, « cette année charnière »où Janowski s’épanche, le tutoie. L’endoctrine? «A la maladie de Sylvia Pastor-Ratkovski, les équilibres sont rompus. », rappelle Me Phung. La demande du consul de Pologne paraît irréelle : « Trouvez-moi une arme je ne veux plus voir souffrir Sylvia. » Me Phung rejoue la scène, rappelle que le gendre impute la maladie de sa compagne à Hélène Pastor, cette belle-mère décrite comme harceleuse. Les mois passent. En silence. Janowski est de plus en plus généreux avec son coach. Ce dernier accepte trois semaines en Thaïlande. « Je ne plaide pas qu’il a perdu son libre arbitre. En acceptant ce cadeau, il est en train de se ligoter. » Me Phung mime Janowski qui rabroue Dauriac, parce qu’il ne lui a pas ramené de Bangkok un faux diplôme de Cambridge, mais qui le rattrape par l’épaule, lui susurre : « Tu es le fils que j’aurais aimé avoir »,« Je serai le parrain de ton fils.» Peuton basculer dans le crime « parce qu’on est trop gentil, parce qu’on ne sait pas dire non, de peur de déplaire à son dieu?» L’hypothèse, selon l’avocat héraultais, est vraisembla­ble quand on sait que Janowski « a berné sa nièce avocate, trompé pendant vingt-huit ans sa compagne. » Me Phung espère que la peine prononcée sera en deçà des réquisitio­ns. Il l’exprime avec élégance : « Dauriac n’a besoin que de silence et d’oubli. S’il vous plaît, donnez-lui. »

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Me Phung avoue ne pas avoir percé «l’énigme Pascal Dauriac».
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(Photo Ch.P et DR)

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