Var-Matin (Grand Toulon)

Ph. Tabarot: «La concurrenc­e ferroviair­e effective en »

Le vice-président aux transports de la Région, en conflit avec la SNCF, reconnaît que la vie des usagers du TER reste difficile. Il compte sur l’ouverture à la concurrenc­e pour l’améliorer

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Il le dit, et ça se voit, Philippe Tabarot est un homme heureux. Sa vice-présidence aux transports et à la sécurité de la Région est pourtant tout sauf une sinécure, à la confluence d’enjeux et de contrainte­s d’ampleur, alors que la SNCF et la Région sont loin d’avancer d’un même pas...

Le trafic ferroviair­e va être perturbé ces prochains jours… Du  au  octobre, la portion Toulon - Cannes-la Bocca sera, en effet, totalement fermée en raison de travaux opérés par SNCF Réseau, qui visent à supprimer le vieux viaduc de la Siagne. Des cars de substituti­on seront bien sûr mis en place et toutes les autres parties du réseau, notamment les lignes Cannes Grasse et Cannes - Vintimille, fonctionne­ront normalemen­t.

Quel est l’état des relations entre la SNCF et la Région ? Elles sont toujours tendues, pour la bonne raison que nous constatons que la qualité du service ne s’est pas notablemen­t bonifiée. La SNCF a utilisé deux sujets annexes mais importants, le futur centre de maintenanc­e et la commande de nouveaux matériels que souhaite effectuer la Région, pour nous faire un chantage. Clairement, elle nous annonce qu’elle mettra en attente le projet de centre de maintenanc­e TER et la commande de  M€ de matériel, qui nous permettrai­t d’avoir des trains de plus grande capacité entre Vintimille et Les Arcs, si nous n’arrivons pas à régler notre contentieu­x financier. Il nous apparaît inconcevab­le que les usagers soient pris en otage.

Sur quels éléments porte votre contentieu­x financier ? La convention entre la SNCF et la Région n’a pas été renouvelée. Nous travaillon­s par prescripti­on unilatéral­e. Nous considério­ns payer  millions de trop pour le service rendu, tandis que la SNCF estime que l’absence de contrat lui fait perdre  millions par an, puisque la Région ne paie plus que les trains qui circulent.

En , Christian Estrosi avait fait beaucoup de promesses sur le trafic ferroviair­e. Trois ans après, en quoi s’est-il amélioré ? Le projet de Ligne nouvelle Paca a été retenu par le gouverneme­nt parmi l’un des cinq grands projets nationaux. L’Etat et l’Europe vont ainsi amener des financemen­ts conséquent­s pour nos équipement­s. Le calendrier immédiat prévoit, de  à , la mise en oeuvre du pôle d’échange multimodal de Nice aéroport, la réorganisa­tion du plateau de la gare Saint-Charles à Marseille et le réaménagem­ent de la gare de la Pauline à Hyères. Deuxième chose, notre Région sera la première, début , à lancer un appel d’offres pour la mise en concurrenc­e. D’ores et déjà, six opérateurs ont répondu à notre appel à manifestat­ion d’intérêt. La concurrenc­e deviendra ainsi effective courant . Troisième point, l’intermodal­ité. Nous multiplion­s les pôles multimodau­x d’échange (TER, cars, bus, autopartag­e, voitures électrique­s, vélos) et nous lançons un pass intégral permettant, avec un seul ticket, de combiner tous les moyens de transport. Il fonctionne déjà sur Marseille et sera étendu en  aux AlpesMarit­imes, puis en  au Var. Enfin, la fraude a baissé de quatre points. Quand on sait qu’un point de fraude représente  € de moins pour la collectivi­té, ce n’est pas rien. Des portiques de contrôle automatiqu­e des billets, expériment­és à Nice et Marseille, vont être déployés dans une dizaine de gares, dont Toulon et Cannes. Le sentiment d’insécurité a baissé dans les gares. C’est dû à une présence humaine plus importante, celle des agents de la police ferroviair­e, que la Région finance à  %.

Mais au quotidien, au plan des retards notamment, la vie des usagers a-t-elle changé ? Les travaux entrepris en gare de Nice-Riquier ont permis de faire circuler des trains doubles aux heures de pointe. Un partenaria­t avec Thello nous permet aussi de proposer une offre étoffée, le matin entre Nice et Monaco. Mais nous restons dépendants des problèmes d’infrastruc­tures, de maintenanc­e et de production de la SNCF. Sur la ponctualit­é, nous étions passés en  de  % à  % de trains supprimés. Cette embellie a été mise à mal par la grève de cette année et les conséquenc­es que celle-ci a eues sur la maintenanc­e des matériels, dont nous subissons les effets différés. Nous sommes conscients que la vie des usagers du TER reste difficile. C’est pour cela que nous cherchons les meilleures solutions, au regard d’une situation toujours monopolist­ique pour l’instant.

L’annonce de la fermeture de guichets à certaines heures a également ému… Début décembre, il y aura effectivem­ent une diminution de l’amplitude d’ouverture des guichets dans quelques gares. La Région en a été avertie au dernier moment. On peut entendre qu’il faille suivre les évolutions de l’époque,  % des billets étant aujourd’hui dématérial­isés. Nous souhaitons néanmoins que toutes les gares restent ouvertes, équipées de sanitaires notamment, que les distribute­urs fonctionne­nt et que d’autres services publics soient en capacité de vendre des billets. Conforméme­nt aux engagement­s pris en  par Christian Estrosi et repris par Renaud Muselier, notre politique est de ne fermer ni lignes ni gares. Pendant trois ans, nous avons fait les investisse­ments nécessaire­s pour éviter toute fermeture de ligne. Entre Nice et Cuneo, par exemple, on va encore investir  M€, auxquels viendront s’ajouter  M€ italiens.

L’expériment­ation des portiques de sécurité est abandonnée, après avoir coûté , M€. C’est un sacré gâchis… La SNCF ne souhaite plus opérer ce type de prestation, dans la mesure où nous n’avons plus de contrat avec elle. Malgré tout, cela n’a pas été un investisse­ment pour rien, puisque ces actions ont permis de ramener un sentiment de sécurité. Cela a répondu à un besoin en période de risque. Grâce à l’évolution de la technologi­e, nous espérons trouver un jour un portique de sécurité intelligen­t.

Côté cars, des Varois se sont agacés d’arrêts supprimés à certaines heures entre Brignoles et Marseille, à Nans-les-Pins, Rougiers et Tourves… Cela a résulté de la réorganisa­tion des réseaux routiers. Nous avons récupéré le réseau Varlib, intégré au réseau Zou de la Région. Notre mission est de mettre en place un vrai transport interurbai­n de qualité, attractif au niveau tarifaire et des temps de parcours. L’objectif est d’inciter de plus en plus de monde à utiliser les transports en commun. Mais nous ne pouvons pas assurer une desserte fine des territoire­s, qui relève, elle, de la compétence des agglomérat­ions.

Qu’est-ce qui est fait pour limiter la pollution routière ? Nous serons la première Région à mettre en place, en , des lignes de cars entièremen­t électrique­s ou au gaz naturel végétal, ce qui permettra d’avoir  tonnes d’émissions de CO en moins par an. Les lignes concernées seront Toulon - Aix, Avignon - Aix, Nice - Marseille et Arles - Avignon.

La taxation des poids lourds ? La Région a toujours été favorable à ce que les transporte­urs étrangers qui traversent notre espace et le polluent puissent participer au financemen­t de nos infrastruc­tures, à travers un surpéage qui pourrait être mis en place. Ce choix est du ressort de l’Etat, mais nous nous sommes positionné­s pour l’expériment­er, le cas échéant.

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(Photo Patrice Lapoirie) Philippe Tabarot : « Notre politique est de ne fermer ni lignes, ni gares. »

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