Var-Matin (Grand Toulon)

Une vie reprise de volée

Fauché par une voiture à Hyères en 2005, l’ancien footballeu­r profession­nel Jérôme Raffetto participe aujourd’hui à son premier Mondial pour personnes amputées. Une sacrée histoire

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L’histoire avait profondéme­nt marqué les esprits. Ce sombre jour d’octobre 2005, à Hyères, derrière le stade Perruc, a surtout fait basculer la vie de Jérôme Raffetto et de son entourage. Le footballeu­r du HFC vient de quitter son petit appartemen­t pour se rendre à l’entraîneme­nt. Au passage, il récupère son sac dans sa voiture garée non loin, avenue du XVe-Corps. Au même moment, une puissante BMW déboule à toute allure, effectue une sortie de route et le percute violemment. Le jeune homme de 25 ans est héliporté en urgence vers l’hôpital de La Conception, à Marseille. Ses jours ne sont pas en danger, mais il est amputé de la jambe gauche. «L’histoire de foot valide s’est arrêtée là», ponctue calmement le garçon. Treize ans se sont écoulés depuis l’accident. Jérôme Raffetto n’a évidemment rien oublié. Et raconte son histoire sans aucun pathos. Avec une grande simplicité. Ses débuts, minot, sur les terrains marseillai­s des Cayolles, où ses grandes qualités techniques ne passent pas inaperçues. Son passage par l’AS Cannes, où il devient champion de France des moins de 17 Nationaux avec Peter Luccin, Sébastien Frey et Julien Escudé. Où il joue, aussi, deux matches avec l’équipe une, en deuxième division. Son départ pour Dunkerque, en CFA. Ses blessures à répétition, qui l’éloignent des terrains pendant un an et demi, puis sa reprise à Draguignan. «Mais je me blessais souvent. J’ai eu envie d’arrêter. Et ça faisait dix ans que j’étais parti de chez moi. J’ai voulu me rapprocher de la maison », explique Jérôme Raffetto, originaire de Roquefort-la-Bédoule. «En détente», il signe ainsi à Carnoux. Dans sa Provence.

Où il retrouve son niveau.

Et l’envie d’aller voir plus haut. Endoume, en CFA2, une montée en CFA. Et, en attendant de rejoindre Istres et son meilleur ami Lionel Falzon en D2, sa signature à Hyères en 2005. Jusqu’à ce jour maudit d’octobre, donc. Sa carrière est brisée net. Quant à lui... «Çaaété un peu compliqué, bien sûr, mais j’ai été très entouré, raconte-til. Par le club, et notamment mon entraîneur de l’époque Patrick Bruzziches­si, avec qui je suis resté en très bon terme, encore aujourd’hui. Mon entourage m’a aussi beaucoup aidé. Mes amis, ma

famille, ma J’ai eu de la chance, j’ai gardé ma jambe droite !” femme, surtout, avec qui j’ai aujourd’hui deux enfants.» Lui fait preuve d’une force incroyable. Et accepte très vite l’inacceptab­le. «Quand je me suis réveillé à l’hôpital, j’étais conscient que j’avais perdu ma jambe, que je ne jouerais plus jamais au foot, et qu’il fallait passer à autre chose. Le mental, je

l’ai toujours eu.» Soutenu, épaulé, il se renseigne sur le handisport. «Mais je ne voulais pas jouer en fauteuil.» Il ouvre alors un complexe de foot en salle, à Carnoux, avec deux amis, en 2008. «Pendant 12 ans, j’ai laissé tomber le sport. Et j’ai pris du poids », rigole-t-il. Et puis, en octobre dernier, il effectue un test à l’effort. Sa cardiologu­e l’encourage à reprendre une activité physique. « Ça m’a fait un peu gamberger. Et un jour, j’attendais ma fille qui sortait du théâtre, et un peu par hasard, je suis tombé sur le site de l’équipe française de football pour amputés (EFFA). Je leur ai envoyé un mail. Ils m’ont rappelé une demi-heure après.» Très intéressés par le CV de l’ancien footballeu­r profession­nel. Forcément. Jérôme Raffetto accepte de les rejoindre en stage en janvier. «Je m’y suis remis à fond. J’ai regardé des matches, j’ai appris à courir avec des béquilles...» Jusqu’à la rencontre avec ses nouveaux coéquipier­s, en région Rhône-Alpes. « Ça s’est super bien passé!» Le sportif y retrouve

«l’ambiance du foot valide. Tout le monde a son histoire, mais on s’amuse, on se chambre, on raconte notre vie. Ça me rappelle les bons souvenirs de vestiaires.» Il y retrouve aussi «un niveau intéressan­t.» «J’étais assez technique, à l’époque. Et j’ai eu de la chance, j’ai gardé ma jambe droite!», se marret-il. Si bien qu’après quelques mois de pratique seulement, il est sélectionn­é pour la coupe du monde pour personnes amputées. Sa première. L’homme de 38 ans est au Mexique, à Guadalajar­a. À 1500 m d’altitude. Depuis mercredi. Des premières, il en a connu d’autres depuis l’annonce de sa sélection. Premier but avec les « amputés » contre la Belgique en match amical. Et première fois qu’il prend l’avion «plus d’une heure et demie ». Des premières, il en vivra sans doute bien d’autres encore. Avec, toujours, sa grande simplicité et sa joie de vivre débordante. Respect, monsieur Raffetto.

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