Guet-apens de l’ouest-Var : une enquête sur écoutes
Devant la cour d’assises, qui jugent quatre accusés pour meurtre en bande organisée, les gendarmes ont résumé des mois d’écoutes téléphoniques qui ont conduit aux arrestations
La cour d’assises du Var est entrée hier dans le vif du sujet, en entendant les deux gendarmes qui ont enquêté sur la disparition inquiétante de Christophe Bourletsis de son domicile de Pourcieux. À commencer par l’officier de police judiciaire de la brigade de Saint-Maximin, qui s’est chargé de l’enquête initiale, de septembre à décembre 2014.
Signalement tardif
C’est lui qui avait reçu la première déclaration de Marjorie, la compagne de Christophe Bourletsis, dit “Toche”, venue le 24 septembre 2014 signaler sa disparition. Elle était sans nouvelles de lui depuis le 2 juillet 2014, où il lui avait téléphoné à 22 h 31. Ce silence ne lui ressemblait pas car, même quand il était incarcéré, il se débrouillait toujours pour la contacter. Plus inquiétant, la rumeur circulait dans la famille que « Toche s’était fait allumer ». Dans des auditions ultérieures, elle disait avoir appris que “Toche” avait été tué par Alain Dinucci et un certain Youssef, et que son père Christian Dinucci avait fait disparaître le corps. Pourquoi avait-elle attendu plus de deux mois avant de faire cette démarche ? « Elle avait peur de représailles. Et puis, ils étaient tous les deux issus de familles sédentarisées de la communauté des gens du voyage, qui par tradition ne parle pas facilement aux gendarmes. » Les gendarmes de SaintMaximin avaient vérifié qu’à compter de ce dernier appel téléphonique, Christophe Bourletsis n’avait plus donné signe de vie. Ils avaient aussi réalisé un annuaire de tous les gens qui avaient été en contact avec le disparu.
Des mois d’écoutes
Annuaire qui s’est avéré précieux pour la suite de l’enquête. Confiée à la section de recherches de Marseille, elle s’est fondée sur des mois d’écoutes téléphoniques. Jusqu’à une vague d’interpellations le 25 avril 2016. Des gardes à vue, il est ressorti que Christophe Bourletsis tenait rancune à Alain Dinucci de ne pas l’avoir soutenu lors de son incarcération, pour une escroquerie qu’il avait commise à son profit. Il lui avait envoyé un message provocateur le 23 juin 2014, qui avait mis le feu aux poudres. Alain Dinucci était venu le jour même à Pourcieux et, ne le trouvant pas, avait dégradé sa voiture. Depuis, “Toche” avait quitté le Var et se cachait dans sa famille dans les Bouches-du-Rhône.
Les accusés nient toute violence
Mourad Bouzidi a confirmé ses déclarations d’alors, sur un rendez-vous le 30 juin 2014 au restaurant des Dinucci à Trets, où il avait accepté, sous la menace, d’attirer Christophe Bourletsis dans sa maison du 13e arrondissement de Marseille. Ahmed Cheref a confirmé avoir été également menacé par Alain Dinucci, pour aller chercher auprès de la compagne de Christophe Bourletsis un paquet de linge à lui remettre chez Bouzidi. L’un et l’autre s’étaient accusés d’avoir participé aux violences sur la victime, quand Alain Dinucci avait surgi dans le garage de la maison de Bouzidi le soir du 2 juillet 2014. Ahmed Cheref est resté hier sur cette position. Mais Mourad Bouzidi, contestant toute violence, a indiqué que Cheref n’avait eu lui aussi qu’un rôle passif. La cour n’entendra pas un autre témoin, depuis décédé, qui avait dit avoir reçu des confidences de la part d’Alain Dinucci. Dans cellesci, il avait indiqué « avoir frappé Toche à mort et l’avoir fini en l’étranglant. C’est le père Dinucci qui a fait disparaître le corps, en l’enterrant avec de l’acide et de la chaux ». Les Dinucci père et fils ont contesté l’intégralité de ces charges. La cour entendra aujourd’hui de nombreux témoins.