Var-Matin (Grand Toulon)

Aux assises: dix ans pour le coup mortel de Fréjus

L’avocat général avait requis quatorze ans contre Omar Boussaha, estimant qu’il voulait en découdre avec la victime. Pour la défense, il n’avait emporté un couteau que pour se rassurer

- G. D.

La cour d’assises du Var a délibéré moins de deux heures hier soir au palais de justice de Draguignan pour condamner Omar Boussaha à dix ans de réclusion. Ce, après l’avoir déclaré coupable de violences volontaire­s avec arme, ayant entraîné, sans intention de la donner, la mort de Moez Chalbi, le soir du 4 septembre 2016 dans le centre-ville de Fréjus. Le temps fort de cette journée d’audience restera le débat sur les conditions du décès de Moez Chalbi. Atteint par un coup de couteau au thorax sous l’aisselle gauche, d’une profondeur de 9 cm, qui a touché l’artère et la veine axillaires, il avait succombé à un choc hémorragiq­ue. « Je pense que le couteau est rentré quand il s’est avancé vers moi ,aprécisé l’accusé. Ça s’est passé en quelques secondes. » À la reconstitu­tion, le médecin légiste avait indiqué qu’une telle plaie ne pouvait être expliquée par le mouvement de balayage, avec le couteau dans la main, qu’avait décrit l’accusé et que plusieurs témoins

avaient confirmé. Il l’a répété à l’audience, aux questions du président, des avocats des parties civiles et de l’avocat général. Mais quand Me Patrick Giovannang­eli a reposé cette question, en rappelant que le principal témoin n’avait vu que des gestes de balayage, l’expert a convenu qu’il était «éventuelle­ment possible» que ce coup ait été porté alors que la victime avançait sur Omar Boussaha.

Témoin surprise

Une confirmati­on inattendue est venue dans la foulée, avec la déposition d’un autre témoin, dont on ne s’est aperçu qu’à l’audience qu’il avait vu l’intégralit­é de la scène. « En fait, Omar était avec le couteau devant Moez. Moez a voulu lui donner un coup de poing en même temps, et il s’est trouvé avec le bras de l’autre homme sous son bras. Il lui a dit qu’il l’avait touché au bras avec le couteau. L’autre lui a dit: “Heureuseme­nt que c’est ton bras”. Et il est parti. » Manifestem­ent, l’accusé n’avait pas visé, et on n’était pas bien loin de l’hypothèse d’un empalement malencontr­eux de la victime sur la lame.

Un seul coup

L’avocat général Mathilde Gauvain

restait persuadée qu’Omar Boussaha cherchait à minimiser sa responsabi­lité, et qu’il avait «fait un mouvement pour planter son couteau dans une zone dangereuse ». « Même s’il n’y a eu qu’un seul coup de couteau, il avait la volonté d’en découdre. Il a pris de la cocaïne trois heures avant, pour se donner la force d’aller à l’affronteme­nt. Il a choisi d’emporter une arme redoutable. Et la juste peine c’est quatorze ans de réclusion. » Une peine « astronomiq­ue », selon Me Giovannang­eli, qui ne croyait pas que l’accusé ait pris la cocaïne dans un but belliqueux. « S’il avait voulu se stimuler, il aurait pris ce produit immédiatem­ent avant d’aller à l’affronteme­nt, avant que les effets ne s’estompent. « Et s’il prend cette arme, est-ce pour faire du mal, ou pour se rassurer, comme il le dit ? D’ailleurs, quand il va à la rencontre de Moez Chalbi, son couteau reste dans le véhicule. » La défense était pertinente et a produit son effet.

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(Croquis d’audience Rémi Kerfridin) Omar Boussaha a dit aux proches de la victime que jamais il n’oubliera les dernières paroles de Moez Chalbi.

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